ABUS ET DEPENDANCE A L’ALCOOL

 

Définition :

L’alcoolisme est une toxicomanie licite, mais non légal :

-          Aucune poursuite en cas de possession ou d’achat de boisson alcoolisée même en quantité importante.

-          Lois pour limiter les abus :

*protection des mineurs contre l’ivresse publique

*absence de circonstances atténuantes en cas de violence sous l’emprise de l’alcool, vérification de l’état d’imprégnation alcoolique et obligatoire en cas de crime, délit ou accident ayant entraîné un décès.

*signalement des alcooliques dangereux à l’autorité sanitaire et déclenchement d’une enquête sociale (loi de 54).

*loi fixant les limites de l’alcoolémie tolérée au volant dans le cadre des contrôles de police (1958, 1965, 1970 : premiers taux légaux, 1978 : dépistage aléatoire, actuellement limité et tolérée 0,5g / L délit si le taux est supérieur).

 

Définition très difficile :

-          Notion d’excès ?

-          Perte de la liberté de s’abstenir de boire de l’alcool (Fouquet J1).

-          Notion de dépendance : l’alcool n’est pas un aliment, ni un condiment, mais une drogue psychotrope qui modifie la perception du monde même à faible dose.

-          Critères de dépendance (DSM 4, CIM 10).

-          Absence de spécificité de l’alcoolisme vis à vis des autres toxicomanes.

 

La consommation sociale d’alcool :

-          Elle est le fait de tous, hormis une minorité des sujets qui ne consomment pas du tout d’alcool pour des raisons religieuses ou médicales.

-          Consommation contrôlée de boissons alcooliques, le plus souvent en société.

-          Comportement définitif vis à vis de l’alcool pour la majorité.

-          Modalités liées aux règles sociales et culturelles, aux facteurs personnels de préférence de goût, de tolérance, de moyens financiers.

-          La société française associe volontiers alcool et convivialité.

 

La consommation nocive pour la santé ou abus d’alcool :

-          Type de consommation provoquant des effets nocifs manifestes (complications somatiques, psychiques, altération des capacités professionnelles, perturbations familiales).

-          Utilisation répétée d’alcool provoquant des conséquences indésirables, récurrentes et significatives.

-          Utilisation répétée d’alcool dans des situations ou l’usage en est particulièrement risqué (conduite en état d’ivresse, utilisation de machines en état d’ivresse…)

-          Alcoolisations massives et dangereuses comportant ivresse, désinhibition et troubles du comportement

-          Absence répétée ou mauvaise performance professionnelle due à des intoxications alcooliques répétées

-          Persistance à consommer l’alcool malgré des antécédents de conséquences sociales et personnelles négatives (difficultés conjugales, bagarre…)

 

L’alcoolo dépendant :

-          fait le plus souvent suite à une consommation sociale, puis à un abus d’alcool

-          altération du comportement vis à vis de l’alcool

*sujets commencent à boire comme les autres pour finir par boire plus que les autres

*moindre variabilité des habitudes quotidiennes qui sont celles qui lui permettent de maintenir toute la journée un taux élevé d’alcool.

*maintien des habitudes de boissons malgré des conséquences fâcheuses (maladies psychiques, difficultés financières, sanctions pénales).

 

-          désir répété et obsédant de boire :

*composante essentielle de la dépendance

*impossibilité de maintenir sa consommation à un niveau acceptable

*la moindre prise d’alcool entraîne une alcoolisation massive

*désir obsédant de boire à la recherche d’ivresse.

-          signes somatiques de sevrage :

*lors d’un arrêt complet et brutal ou lorsque la consommation est réduite

*mini sevrage tous les matins après une nuit sans boire et prise de boisson dès le lever.

*boit dans l’intention d’atténuer dans les 30 à 60 mn les symptômes  de manière prévisible

*le tremblement est le signe le plus caractéristique du sevrage matinal et il est spécifiquement calmé par une prise d’alcool même en faible quantité ;

-          tolérance de l’alcool :

*adaptation à l’alcool

*résistance aux effets de l’alcoolisation

*impression transitoire et trompeuse de mieux supporter l’alcool.

 

Epidémiologie : (Ades, Joyeux 1996)

Taux global estimé de prévalence de l’abus d’alcool en France : 20%

Prévalence de l’abus d’alcool en médecine générale :            *homme : 13,2%

                                                                                    *femme : 7,6%.

Le nombre estimé de l’alcoolo dépendant en France : 1,5 à 2 millions et 25% des hommes hospitalisés sont concernés par un problème d’alcool versus, environ 100 000 sevrages / an (conférence du consensus 1999).

 

Ratio :

900 000 femmes environ alcoolo dépendants

-          une femme pour douze hommes en 60 versus 4 femmes pour 12 hommes en 90

-          Mortalité annuelle directement induite par l’alcoolisme en France : 35 000

-          Mortalité annuelle directe ou indirecte (cancers, accidents) : 70 000

-          Le % de décès attribués à l’alcool en France : 6,5%

-          Diminution de l’espérance de vie masculine du fait de l’alcoolisme : 12 ans.

 

La pharmaco dynamique :

Les effets neuro :

-          désinhibition de l’humeur jusqu’à la perte de contrôle et jusqu’au coma

-          L’excès d’acétaldehyde bloque la dégradation de la dopamine pour former un précurseur de la morphine ou se combine à la 5 HT pour former un composé proche de la mescaline (harnine).

les effets hépatiques :

-          Toxicité directe de l’acétaldehyde sur les hépatocytes susceptibles d’entraîner stéatose, hépatite aiguë, cirrhose.

-          Diminution de la synthèse de la testostérone.

Les effets digestifs :

-          oesophagite, gastrite atrophique, duodénite par toxicité directe de l’alcool

-          favorise UGD par augmentation de sécrétine

-          Favorise la pancréatite aiguë et chronique par augmentation de la synthèse des enzymes pancréatiques.

-          Diarrhées chroniques par carence en B1.

 

Les effets endocrino :

-          hypercorticisme

les effets hématologiques :

-          thrombopénie…

les effets cutanés :

-          érythrose faciale

-          Angiome stellaire, telengiectasie, acné hyper trophique, couperose.

Les effets cardiaques :

-          cardio myopathies alcooliques par toxicité directe probable.

Les effets tératogènes : syndrome d’alcoolisme fœtal

-          alcoolisme maternel au 1° trimestre

-          associe : RCIU, hypotrophie à la naissance, microcéphalie, dysmorphie cranio faciale, diverses malformations cardiaques.

 

Pharmacocinétiques :

Absorption :

-          gastrique 30%

-          Duodénum, jéjunum, iléon : 70%

-          ralentie par réplétion gastrique, ingestion de protéines et de glucides

-          Accéléré par le jeun, des antécédents de gastrectomie, absorption concomitante de boissons gazeuses ou alcalines.

-          Vitesse d’absorption dépend de la consommation d’alcool de la boisson.

 

Diffusion :

-          très facile

-          La concentration d’alcool atteint l’équilibre dans l’organisme en 60mn.

 

Le métabolisme :

-          90 à 95% dans le foie par 3 voies enzymatiques possibles

 

Elimination :

-          5% inchangés, éliminé dans les urines, la sueur, l’air expirée, la salive et le lait maternel.

-          95% sous forme oxydée au niveau hépatique (90%) et au niveau cérébral, rénale, pulmonaire et musculaire (10%).

 

Les facteurs d’alcoolisation : (selon PELC)

-          goût, habitude

-          social

-          dépendance physique

-          anxio dépressif

-          stimulant

 

Classification :

·         alcoolisme primaire :

-          70%

-          début précoce inférieur à 20 ans

-          forte charge génétique

-          impulsivité, traits socio pathiques, recherche des sensations fortes

-          troubles psychiatriques, conséquences des effets pharmacologiques et comportement de l’alcool

-          relation immédiate sur le mode de la dépendance

-          C’est le type 2 de CLONNINGER.

 

·         alcoolisme secondaire :

-          30%

-          peut être génétique, influencé

-          conduite d’auto médication

-          Début plus tardif, évolution plus lente vers les complications somatiques, psychiatriques et sociales.

-          Consommation permanente ou intermittente. Abus ou dépendance d’emblée.

-          Type 1 de Clonninger.

 

 

 

 

 

 

La clinique :

Alcoolisme aigu

·         ivresse simple, elle évolue en 3 phases :

-          phase compensée :

*le contrôle psychique est conservé

*altération de la dynamique neuro musculaire

*altération de la vision

*altération de la coordination des mouvements et de la parole.

-          la phase de décompensation :

*troubles du jugement

*perte de sens critique

*surestimation de soi et de ses capacités

*propos égrillard et agressif

*perte de contrôle comportemental

*incoordination motrice

-          la phase décompensée :

*atteinte de la vigilance jusqu’au coma

*hypotension, tachycardie

*hypotonie, hyporeflexie

*dépression respiratoire

*effondrement glycémique.

-          évolution :

*coma parfois fatal supérieur à 4, 5 g / L

*récupération en quelques heures

*amnésie lacunaire parfois.

 

·         ivresse pathologique :

Surtout en cas d’alcoolisme chronique. Ivresse avec excitation motrice : raptus impulsif, état de fureur hétéro agressif, crise clastique.

 

·         ivresse hallucinatoire :

Onirisme avec participation du sujet, comportement en fonction des hallucinations, contenu souvent menaçant à potentiel de dangerosité.

 

·         ivresse délirante :

Auto-dénonciation, délire de jalousie, thème mégalomaniaques, thème de persécution.

 

L’alcoolisme chronique :

Présentation :

-          érythème facial avec variquosités des pommettes

-          odeur oenolique de l’haleine

-          injection des conjonctives et parfois ictère ou sub ictère

-          dysarthries, troubles de l’élocution, voix rauque

-          tremblements des extrémités, sueurs

-          Attitude soumise, banalisation ou contact rigide, méfiant, hostile.

-          Détérioration intellectuelle et troubles mnésiques.

 

Examen clinique :

-          foie

-          Retentissement neuro carentiel (NORB, polynévrite des MI, gastrites ou UGD).

 

 

 

 

 

 

 

Biologie :

-          Les marqueurs usuels (gamma GT, VGM : macrocytose en l’absence d’anémie) sont utiles pour conforter un diagnostic, pour revoir les malades, pour conforter les déclarations des patients au cours du suivi ;

-          L’ALAT ne sert à rien pour repérer un alcoolisme ; L’ASAT est un marqueur de cytolyse hépatique.

 

Anomalies biologiques dont l’étiologie alcoolique doit être envisagée :

-          hyperuricémie

-          hypertryglycéridémie

-          hypercholestérolémie avec augmentation du HDL

-          hyper glycémie

-          hypo glycémie

-          thrombopénie

-          Temps de saignement allongé.

 

Les petits signes traduisant la dépendance physique et psychique :

-          trémulation matinale

-          malaises, anxiétés, irritabilités

-          nausées

-          sueurs, hyper hydrose palmaire

 

Syndrome de sevrage : delirium tremens

-          début : insomnie progressive et phénomènes oniriques avec thème surtout professionnel.

-          Phase d’état : survient rapidement, confusion mentale, agité associant un onirisme majeur (zoopsy, thème professionnel), avec participation du sujet. Des tremblements généralisés, dysarthrie, troubles de l’équilibre, déshydratation, sueurs profuses, hyper thermie à 40, 41°.

 

Evolution :

Le pronostic dépend de la poursuite ou non de l’intoxication.

-          soit arrêt total

-          Soit évolution vers les complications.

 

Les complications :

·         complications psychiatriques :

-          dépression et suicides

-          Hallucinose alcoolique (hallucination accoustico verbale non critiquée, disparaissant avec l’abstinence et réapparaissant avec la reprise de l’intoxication).

-          Délire alcoolique (jalousie +++, persécution, imaginatif sur idée fixe post onirique, délires hallucinatoires permanents).

-          Démence alcoolique

 

·         complications neuro psychiques :

-          Psychose pseudo-polynévritique de Korsacoff.

-          Encéphalopathie de Gayet-Wernicke.

-          Maladie de Marchifava-Bignami

-          Pseudo paralysie générale alcoolique

 

·         complications somatiques :

-          hépatiques

-          pancréatiques

-          UGD, oesophagites

-          Cancers ORL et digestif

-          Diabète

-          Surcharge pondérale

-          Goutte

-          Hyper lipidémie.

 

Les traitements :

De l’alcoolisme aigu :

-          hydratation car l’alcool déshydrate par intoxication directe

-          apports glucidiques

-          Nursing sécurisant, c’est à dire isolement relatif dans un lieu calme, protégé, non angoissant.

-          Psychotropes sont contre indiqués (risques de potentialisation, de collapsus, d’aggravation de troubles respiratoires).

 

De l’alcoolisme chronique :

Cure de désintoxication : ce n’est pas une urgence, il faut en discuter et programmer.

·         Pré requis indispensable : acceptation, programmation

·         Sevrage sur 10 jours associés : hydratation et apports glucidiques

*BZD ou tétarbamate à visée sédative, anxiolytique et préventives de crises comitiales.

*vitamine B1, B6

·         En cas de delirium tremens : réhydratation et vitaminothérapie par voie veineuse.

*BZD et NL type tiapride

*nursing adapté associant absence de contention, maintien de la lumière, présence infirmier rassurante.

Le traitement de la dépendance à l’alcool :

·         cure de dégoût :

Apomorphine SC 5 à 10mg. Après ingestion de la boisson préférée 2 à 5 fois/J pendant 3 à 5 jours.

Disulfirame 2cp/J pendant 2 à 3 jours puis le matin suivant 1 cp à jeun et 30mn après, absorber la boisson préférée qui provoque l’effet antabuse. Association apomorphine et Disulfirame.

·         cure au sulfate de magnésie :

Son but est de créer un réflexe associant une sensation agréable à l’ingestion d’eau.

10cc de sulfate de magnésie en IV lente.

La sensation désagréable de chaleur provoquée par l’injection est apaisée par l’ingestion d’eau fraîche ou de la boisson préférée (PELC), complète la cure de dégoût en lui succédant.

·         post cure :

- chimiothérapie :            *Disulfirame, tranquillisants

                                    *ISRS plus ou moins sels de lithium (par rapport à l’impulsivité).

                                    *acamprosate (par rapport appétence)

                                    *Naltréxone (par rapport appétence).

- psychothérapie :            *individuelle

                                    *familiale

                                    *groupe.

-          groupes d’anciens buveurs

-          conseils d’évitement de tout contact avec l’alcool (nourriture, lotion)

-          développement des habilités sociales

-          traiter une comorbidité psychiatrique éventuelle

-          Mesures sociales.

 

Les rechutes :

-          Comment obtenir et maintenir un changement ?

-          nécessité d’humilité des thérapeutes

-          Importance de la pharmacodépendance et des facteurs primaires dans les rechutes.

-          Insister avec le patient sur la différence entre envie et rechute, sur l’acceptabilité de l’échec, sur le fait qu’il est normal qu’à long terme les envies persistent

-          Les modalités de rechutes :

*par facteurs primaires (goût, habitudes, social)

*par imitation de modèle : référence à quelqu’un qui s’est arrêté, qui a repris et qui va bien.

*référence à quelqu’un qui ne s’est jamais arrêté et qui va bien.

*par surestimation de ses capacités : je ne suis pas comme les autres, je peux contrôler ma consommation. Si pharmacodépendance sévère : le 1° verre entraîne une ivresse massive et une possibilité de correction cognitive (il faut toucher le fond pour s’en sortir).

Si pharmacodépendance légère ou modérée : les conséquences de la prise du 1° verre ne sont pas immédiates. La correction cognitive est moins bonne.

*par sous estimation de ses capacités (si je retouche à l’alcool tout est perdu, je vais replonger). La prise du 1° verre valide cette pensée et c’est la rechute.

*par sentiment pénible d’anormalité : si je ne bois pas je ne suis pas comme les autres, je suis inférieur.

*par attente de sédation ou de stimulation : avant j’étais mal, après je ne penserai plus, je coupe le contact ou je me donne un coup de fouet.

*par attente déçue : boire ou ne pas boire cela revient au même.

Les facteurs de bons pronostics :

-          personnalités névrotiques

-          dépression sous jacente

-          début après 40 ans

-          Sexe masculin.