APPAREIL
CIRCULATOIRE
1.
Morphologie
Le
cœur humain est un viscère creux situé dans la cavité thoracique, entre les
deux poumons, au carrefour des grosses artères et des grosses veines de
l’organisme. Son poids moyen est de 260 grammes. Organe contractile, il
engendre la circulation sanguine, joue un rôle essentiel dans le réglage de
son débit et dans son adaptation aux variations physiologiques, en particulier
à l’effort.
Du
fait de sa situation, le cœur est facilement accessible à l’examen clinique
: palpation, percussion, auscultation; à l’examen radiologique avec ou sans
opacification préalable des cavités cardiaques ; aux investigations échographiques,
scintigraphiques ou manométriques (après cathétérisme cardiaque) et enfin à
la chirurgie.
Il
a la forme d’une pyramide triangulaire avec une base située en arrière et en
haut et trois faces : antérieure, inférieure, latérale gauche. Le sommet ou
pointe se place en avant, en bas, à gauche de la ligne médiane thoracique sous
le mamelon; il est palpable au cinquième espace intercostal gauche, avec lequel
entre en contact le sommet des ventricules, en particulier du ventricule gauche.
Des sillons superficiels délimitent les oreillettes et les ventricules : un
sillon axial, à peu près parallèle à la cloison, se place entre les
oreillettes en arrière et les ventricules en avant; un sillon transversal,
perpendiculaire à l’axe du cœur, appelé sillon auriculo-ventriculaire, est
situé entre oreillettes et ventricules. On voit passer dans ces sillons les
vaisseaux nourriciers du cœur, les artères coronaires droite et gauche.
La
face antérieure est
la face chirurgicale. Elle se projette en effet sur la paroi thoracique, en arrière
du sternum, des cartilages costaux (du 2e au 6e) et des côtes
gauches correspondantes. On aborde le cœur soit en fendant le sternum en son
milieu (sternotomie médiane), entre les deux plèvres, droite ou gauche, soit
en fendant horizontalement le sternum. Après avoir incisé le péricarde
verticalement, entre les nerfs phréniques, on découvre les ventricules, en
particulier le ventricule droit, et le sillon interventriculaire antérieur longé
par une grosse branche de l’artère coronaire gauche. Près de la base du cœur
s’élèvent l’artère pulmonaire, en avant, et la crosse de l’aorte en
arrière. L’oreillette droite est facile à repérer, avec les grosses veines
caves qui l’abordent à ses deux extrémités.
Elle
est prolongée par l’auricule droite qui recouvre en partie le sillon
auriculo-ventriculaire, dans lequel chemine l’artère coronaire droite; le
sommet de l’auricule gauche apparaît au pied de l’artère pulmonaire.
La
face inférieure
est proche du diaphragme, qui la sépare des viscères abdominaux supérieurs,
la coupole gastrique et le lobe gauche du foie. Elle est représentée
essentiellement par les ventricules; dans le sillon interventriculaire inférieur
se termine l’artère coronaire droite.
La
face latérale gauche déprime
le poumon gauche en une fosse cardiaque, occupée par le volumineux ventricule
gauche. Près de la base, cette face comporte l’oreillette et l’auricule
gauches.
La
base est auriculaire. L’oreillette
gauche se met en rapport avec l’œsophage; elle en est séparée par un
diverticule de la séreuse péricardique, le cul-de-sac de Haller. Elle reçoit
latéralement les veines pulmonaires.
Au
cours du développement humain, l’appareil circulatoire est l’un des
premiers à s’ébaucher. Ce fait traduit l’importance vitale du flux
circulatoire dès le début de l’embryogenèse. Il alimente en effet les
tissus en formation et draine les résidus de la nutrition. Très vite le cœur
est fonctionnel. Ses battements, d’abord imperceptibles, deviennent audibles
au stéthoscope, ce qui est l’un des moyens dont dispose le médecin pour
suivre le développement du fœtus.
À partir de la
naissance, d’importantes transformations vont avoir lieu car l’enfant, qui
jusqu’alors menait une vie «aquatique» dans l’utérus maternel, sans
respiration pulmonaire, passe brusquement à la vie aérienne pendant laquelle
ses poumons vont fonctionner. Le cœur s’adapte à ce changement en achevant
son cloisonnement : le cœur droit d’où part le sang destiné à l’hématose
pulmonaire est ainsi séparé du cœur gauche, responsable de l’irrigation des
tissus, par l’intermédiaire de l’aorte et de ses branches. En effet, la
bonne coordination des deux circulations, pulmonaire et générale, exige la
mise en jeu de régulateurs, nerveux et hormonaux, particulièrement délicats.
Ils s’ajustent aussi à la volémie, volume du liquide circulant endigué,
elle-même contrôlée par des mécanismes sophistiqués responsables de l’osmorégulation
en fonction de l’absorption de liquide et de sels d’une part, et de l’excrétion
de ces substances (par le rein surtout) d’autre part.
Le réglage des
pressions hydrostatiques qui commandent l’écoulement du sang dans les fins
vaisseaux des tissus, les capillaires, n’est pas moins essentiel car c’est
de là que dépend toute leur nutrition, donc leur vie, tout spécialement dans
le cas de la circulation cérébrale. D’où l’importance des mécanismes régulateurs
de la pression artérielle ou de ceux qui contrôlent la coagulabilité du sang
et la perméabilité vasculaire en pathologie générale : hypertension,
hypotension, ischémie, infarctus, thrombose, embolie, athérosclérose,
ruptures vasculaires sont quelques-uns des termes les plus couramment évocateurs
de circonstances pathologiques menaçant la vie.
1. L’appareil circulatoire humain
La
notion d’appareil circulatoire est une acquisition relativement récente,
puisque le terme «artère» consacre de nos jours encore l’erreur des anciens
auteurs qui croyaient, avec Hippocrate, que l’air pulmonaire était conduit
dans le corps par les vaisseaux. C.Galien fut le premier à y reconnaître la présence
du sang, mais c’est seulement en 1553 que M.Servet décrit un cœur droit et
un cœur gauche indépendants. Enfin, en 1628, William Harvey découvre la
circulation sanguine.
Les noms de R.Bartholin, pour les vaisseaux lymphatiques, M.Malpighi (1661) et F.Magendie pour les capillaires, Claude Bernard et René Leriche pour la vasomotricité, André Thomas et C.Lillehei pour le cœur-poumon artificiel, W.B.Kouwenhoven pour le massage cardiaque externe, N.E.Shumway et C.Barnard pour la transplantation cardiaque, d’autres encore, jalonnent les progrès de l’étude du système circulatoire dont l’intérêt est capital. En effet, la circulation est le gage de la vie des animaux supérieurs: un arrêt cardiaque de trois minutes suffit à provoquer chez l’homme la suppression définitive du fonctionnement cérébral, avec ce tracé plat à l’électro-encéphalogramme qui est considéré comme le signe irréversible de la «mort réelle» de l’individu.
Morphologie et structure du coeur humain
Chez l’adulte
Le cœur
Comme
chez tous les Vertébrés supérieurs, Oiseaux et Mammifères, une cloison, étanche
dès la naissance, partage le cœur humain en deux moitiés et subdivise le
circuit sanguin en deux secteurs totalement indépendants (fig. 1).
Le cœur droit,
ou moitié droite du cœur, ne contient que du sang veineux, rouge foncé, «noir»,
pauvre en oxygène, riche en gaz carbonique. Ce cœur droit est axé sur les
poumons, organes des échanges respiratoires; il représente l’agent
dynamique, la pièce maîtresse de la petite
circulation ou circulation pulmonaire, tout entière contenue dans le
thorax.
Le cœur gauche,
ou moitié gauche, renferme du sang artériel, rouge vif, «rutilant», riche en
oxygène, épuré de son gaz carbonique; il le propulse dans tous les tissus,
par l’intermédiaire des vaisseaux de la grande
circulation qui intéresse la totalité de l’organisme.
Chacun des deux
compartiments du cœur est subdivisé en oreillette et ventricule, séparés par
une valvule auriculo-ventriculaire qui canalise le sang de l’oreillette vers
le ventricule.
Les oreillettes reçoivent
le sang qui arrive au cœur par de gros vaisseaux à paroi mince, les veines.
À l’oreillette droite arrivent les veines caves supérieure et inférieure;
elles ramènent le sang pauvre en oxygène, issu de tous les organes à
l’exception des poumons. Dans l’oreillette gauche débouchent, venant des
poumons, quatre veines pulmonaires, deux droites et deux gauches, qui
transportent du sang oxygéné.
Chaque ventricule donne
naissance à un seul gros vaisseau ou artère, dont la paroi est épaisse mais
élastique. Du ventricule droit part l’artère
pulmonaire; elle se divise en deux branches, droite et gauche, qui se
ramifient dans le poumon correspondant. Elle transporte du sang peu oxygéné.
Du ventricule gauche naît l’aorte,
tronc commun de toutes les artères de l’organisme, sauf l’artère
pulmonaire; elle véhicule du sang riche en oxygène.
Les vaisseaux
De
l’artère aux veines pulmonaires, le sang accomplit la petite circulation,
tandis que l’aorte et les veines caves assurent la grande circulation. Le
relais entre les artères et les veines correspondantes s’effectue au niveau
des tissus, par l’intermédiaire d’un riche réseau de petits canalicules,
les vaisseaux capillaires , de
telle sorte que le sang est complètement endigué : le système
circulatoire est « clos ».
Pour décrire la
vascularisation d’un organe, on choisira d’étudier la paroi musculaire du cœur
ou myocarde. Elle reçoit deux artères coronaires, droite et gauche, nées de
l’aorte ; leur diamètre est d’environ 5 mm. Chacune possède un
territoire précis, et les anastomoses sont généralement insuffisantes pour rétablir
la circulation, en cas d’obstacle sur l’une des coronaires.
L’oblitération
brutale d’une branche de l’artère coronaire gauche, par exemple, supprime
l’irrigation de tout un secteur de la paroi du ventricule gauche ; ce
secteur, perdant tout apport sanguin, se dévitalise. C’est le mécanisme de
l’infarctus du myocarde.
Chaque artère coronaire
se divise en branches de plus en plus fines; la paroi artérielle s’amincit
progressivement. Aux ultimes ramifications des artères succèdent les vaisseaux
capillaires, caractérisés par une couche pavimenteuse de cellules aplaties,
l’endothélium. La grande minceur de la paroi du capillaire (1 micromètre
d’épaisseur) favorise la diffusion des gaz et le passage des substances
dissoutes entre sang et territoire vascularisé.
Le calibre d’un
capillaire est de l’ordre de 7 à 8 micromètres, soit le diamètre d’un
globule rouge. C’est par transitions insensibles que l’on passe des
capillaires aux veinules. Celles-ci succèdent au réseau capillaire et
confluent en branches de plus en plus volumineuses. Finalement, la circulation
de retour du myocarde est assurée par un seul tronc veineux, le sinus
coronaire, qui débouche dans l’oreillette droite.
La circulation lymphatique
La
circulation lymphatique joue un rôle considérable; elle draine les espaces
interstitiels, extracellulaires, qui contiennent la lymphe. Ce liquide pénètre
dans un système de vaisseaux de petit calibre, bosselés, multivalvulés, les
canaux lymphatiques. Ils sont interrompus par des nodules, les ganglions
lymphatiques. Les collecteurs lymphatiques s’unissent en troncs volumineux. Le
plus important, le canal thoracique, naît dans l’abdomen, traverse le thorax,
et se déverse à la base du cou, dans la veine sous-clavière gauche. La
circulation lymphatique, très lente, est particulièrement abondante au niveau
de l’intestin grêle. La lymphe est un liquide blanchâtre, riche en globules
blancs, dépourvu de globules rouges et drainé par la circulation veineuse.
2. La fonction circulatoire
Les types de circulation
La
fonction circulatoire n’a été vraiment mise en évidence que pendant la
seconde moitié du XIXe siècle par A. Chauveau et E.J.Marey. Jusque-là, on en était
resté aux travaux de W.Harvey qui, au XVIIe siècle, avait distingué avec précision petite et grande
circulations et admis la communication entre artère et veine par les
capillaires, dont la présence et le rôle furent démontrés plus tard par
M.Malpighi.
La circulation sanguine
a pour rôle, d’une part, d’apporter aux tissus l’oxygène et les matériaux
nutritifs indispensables et, d’autre part, de les débarrasser des déchets
qui résultent de leur fonctionnement.
L’approvisionnement en
matériaux nutritifs est assuré par la circulation veineuse provenant du tube
digestif (absorption) et du foie (réserves); la circulation pulmonaire, ou petite
circulation, assure l’approvisionnement en oxygène (de l’air des alvéoles
pulmonaires); ce dernier sera réparti dans les tissus par les artères de la grande circulation; la circulation pulmonaire assure en même temps
l’élimination du gaz carbonique ramené des tissus au cœur par la
circulation veineuse. Les autres déchets sont éliminés grâce aux
circulations rénale (urine), digestive (bile) et cutanée (sueur).
Le déplacement du sang
dans l’ensemble de ce système est assuré par un élément propulseur, le muscle
cardiaque. Les vaisseaux dans lesquels le sang coule dans une direction
centrifuge par rapport au cœur sont des artères; ceux dans lesquels l’écoulement
sanguin se fait en direction centripète sont des veines. Seule importe la
direction du sang, et non sa composition ni son aspect. Il est inexact de désigner
le sang d’après le vaisseau d’où il provient : une artère pulmonaire
contient un sang identique à celui d’une veine de la grande circulation.
Au sein des tissus, les
artères se ramifient en artérioles
qui se subdivisent en une infinité de capillaires
dont le diamètre est proche de celui d’un globule rouge. C’est au niveau de
ce réseau de vaisseaux à paroi très mince, unicellulaire, qu’ont lieu les
échanges entre le sang et les tissus ou entre le sang et l’air des poumons.
Les capillaires se collectent en veinules dont la réunion forme les veines. Le
système circulatoire se comporte donc toujours comme un circuit fermé où se
succèdent dans l’ordre : cœur, artères, artérioles, capillaires, veinules,
veines et cœur. Un type particulier de circulation n’obéit pas à cette règle;
elle est appelée «circulation porte», du nom de la veine porte qui en est le
meilleur exemple. Il s’agit alors d’un tronc veineux terminé à ses deux
extrémités par un réseau capillaire. Mais il existe également des
circulations portes artérielles, notamment dans la région corticale du rein :
dans ce cas, une artériole se termine à ses deux extrémités par un réseau
capillaire. L’appareil circulatoire n’est pas seulement un arbre dont les
branches se ramifient individuellement. Il existe souvent des communications
entre des branches voisines provenant de troncs distincts; ces anastomoses, plus
ou moins importantes selon les régions de l’organisme, sont capables de se développer
en taille et en étendue lorsqu’un tronc important est oblitéré par un
processus pathologique, rétablissant ainsi soit immédiatement, soit au bout
d’un certain délai, une circulation sanguine satisfaisante. D’une façon générale,
les veines sont toujours plus anastomosées à l’état normal que les artères.
En plaçant le cœur par
rapport au système circulatoire, il est habituel d’opposer la grande
circulation, qui part du ventricule gauche pour parvenir à l’oreillette
droite après s’être distribuée à l’ensemble des tissus, à la petite
circulation, ou circulation pulmonaire, qui part du ventricule droit pour
parvenir à l’oreillette gauche après s’être distribuée en capillaires
assurant les échanges gazeux avec l’air alvéolaire. Il est beaucoup plus
satisfaisant, en fonction de critères anatomiques et fonctionnels, de considérer
le cœur comme un organe «double», dont chaque moitié se comporte comme un
organe aspirateur et propulseur qu’il est alors logique d’intercaler au
milieu du système circulatoire et non à
ses extrémités. On décrit ainsi une circulation gauche, assurant le
transport du sang oxygéné des capillaires pulmonaires aux capillaires
tissulaires, et une circulation droite, assurant le transport du sang qui a cédé
une partie de son oxygène aux tissus et qui va les débarrasser du gaz
carbonique excrété par les poumons.
Le cœur, organe moteur
Le
cœur est un muscle creux dont la fonction est d’assurer la circulation du
sang dans les vaisseaux et de maintenir, avec l’aide de la motricité
vasculaire, une pression intravasculaire suffisante pour fournir une des forces
nécessaires aux échanges entre capillaires et liquides interstitiels.
Son fonctionnement
normal consiste en une succession régulière de contractions, ou systoles, et de relâchements, ou diastoles. Ce fonctionnement harmonieux est assuré grâce à quatre
propriétés fondamentales du muscle cardiaque ou myocarde : l’excitabilité,
la contractilité, la conductibilité et l’automatisme rythmique.
L’excitabilité myocardique suit
la loi du «tout ou rien». La plus petite stimulation efficace déclenche une
contraction maximale, contrairement à ce qui se passe pour un muscle
squelettique; l’intensité de la contraction n’est pas modifiée par les
variations d’intensité du stimulus. De plus, la période réfractaire, qui
correspond à l’absence d’excitabilité qui suit immédiatement la réponse
à l’excitation, est plus longue que pour un muscle ordinaire. Toute
stimulation seconde trop proche de la première étant inefficace, il est
impossible d’obtenir une fusion des contractions successives: le myocarde ne
peut être tétanisé.
La contractilité myocardique développe
la force nécessaire au travail assurant l’éjection de l’ondée sanguine.
En dehors de son caractère rythmique, cette contraction est beaucoup plus
prolongée que celle du muscle volontaire.
La conductibilité myocardique est
très particulière et n’est pas seulement le fait du tissu nodal que nous
verrons plus loin. L’activation d’une partie quelconque du muscle cardiaque
se propage très rapidement à l’ensemble du cœur, ce qui ne s’observe pas
dans un muscle squelettique. Cette propriété semble liée au fait que la
membrane de chaque fibre cardiaque comporte des zones très amincies au niveau
desquelles des digitations provenant de deux cellules en contact s’imbriquent
étroitement. La dépolarisation de la fibre inactive par l’intermédiaire de
la fibre activée est alors favorisée par la grande surface de contact ainsi réalisée.
Normalement, l’onde de contraction qui parcourt le myocarde part de
l’oreillette droite et se propage à l’oreillette gauche qui se contracte
(systole auriculaire); ensuite, elle gagne les deux ventricules (systole
ventriculaire).
La rythmicité de la contraction constitue
la dernière propriété très particulière au muscle cardiaque. En moyenne, la
fréquence des contractions, au repos, est de 65 à 70 par minute;Le rythme
cardiaque est, en moyenne, un peu plus rapide chez la femme que chez l’homme,
les valeurs extrêmes étant de 65 à 76 battements par minute chez le second et
de 70 à 80 chez la première. Certains individus parfaitement normaux peuvent même
s’écarter sensiblement de ces limites. Chez le nouveau-né, le rythme est
plus rapide, de 120 à 140; chez le nourrisson et le jeune enfant, il reste fréquemment
voisin de 100; chez le vieillard, une accélération légère (entre 80 et 90)
est souvent observée.
Chez l’animal, un
certain parallélisme existe entre la taille et le rythme du cœur. Le cœur
d’éléphant a de 25 à 30 battements par minute; celui du cheval ou du bœuf,
36 à 50; celui du mouton, 60 à 80. Mais le rythme passe à 100-120 battements
par minute chez le chien, 150 à 180 chez le lapin, 600 à 700 chez la souris,
près de 1 000 chez le canari.
Tissu nodal et automatisme cardiaque
L’automatisme et la
rythmicité de la contraction cardiaque sont assurés par un tissu musculaire
particulier, le tissu nodal, situé au
sein du muscle cardiaque et comportant plusieurs formations anatomiquement définies
Le nœud sinusal de
Keith et Flack est situé dans la paroi de l’oreillette droite entre
l’abouchement des deux veines caves. Le nœud auriculo-ventriculaire de Tawara
est situé sur la face droite de la base de la cloison interauriculaire;
nettement séparé du précédent, il se continue en avant par le faisceau de
His, qui chemine sur le flanc droit du bord postérieur de la cloison
interventriculaire, puis se divise en deux branches qui vont se ramifier dans
les parois de chacun des deux ventricules pour former le réseau de Purkinje.
Histologiquement, les
cellules du tissu nodal ne se distinguent du tissu myocardique ordinaire que par
leur architecture plus lâche, leur pauvreté en fibrilles et leur richesse en
sarcoplasme.
Le tissu nodal partage
avec le myocarde ordinaire ses propriétés essentielles. Il est moins
excitable, avec une période réfractaire plus longue; il est beaucoup moins
contractile, mais meilleur conducteur. Il a une propriété particulière: l’automatisme.
Cet automatisme apparaît
précocement au cours de la vie embryonnaire et, très rapidement, une hiérarchie
s’établit entre les diverses formations. Le nœud sinusal est l’organe de
commande (pace maker ). L’onde de
contraction y naît avec une fréquence de 120 par minute, mais ce rythme rapide
est ralenti par les nerfs du système vagal qui le ramènent à 65-70 par
minute. Si l’excitation sinusale est supprimée, le nœud
auriculo-ventriculaire peut prendre la suppléance, mais à un rythme plus lent
(50 contractions par minute). L’automatisme existe également au niveau du
faisceau de His et du réseau de Purkinje, mais il est de plus en plus lent :
une interruption de la conduction auriculo-ventriculaire libère un rythme
idioventriculaire de 30 à 40 contractions par minute, indépendant de
l’activité auriculaire. Certaines altérations pathologiques du myocarde
peuvent avoir pour conséquence des interruptions temporaires ou définitives en
un point quelconque du tissu nodal : blocs sino-auriculaires, blocs
auriculo-ventriculaires, blocs de branche (entre les deux branches du faisceau
de His). L’automatisme cardiaque s’explique par l’apparition et
l’entretien de fluctuations de la polarisation membranaire des cellules du
tissu nodal entraînant de façon rythmique une dépolarisation spontanée
locale, qui déclenche à son tour une réponse propagée aux cellules
myocardiques. Les variations de température affectent le rythme du nœud
sinusal: le refroidissement le ralentit et le réchauffement l’accélère.
Le bon fonctionnement de
l’automatisme cardiaque dépend de l’équilibre ionique entre sodium et
potassium, d’une part, et calcium, d’autre part. Le sodium est nécessaire
à l’automatisme, mais il exerce une action dépressive; une diminution du
potassium dans le sang de perfusion du myocarde augmente l’excitabilité; le
calcium renforce le tonus myocardique, augmente l’amplitude et la durée de la
systole.
La deuxième propriété
essentielle du tissu nodal est sa conductibilité
particulière. L’onde d’excitation, née du nœud sinusal, diffuse dans le
myocarde auriculaire à la vitesse de 1 m/s, atteignant le nœud
auriculo-ventriculaire en 0,013 seconde; la vitesse tombe alors à environ 5
cm/s, puis s’accélère dans le faisceau de His et ses branches, où elle
atteint de 2 à 4 m/s pour tomber à 0,4 m/s dans le réseau de Purkinje. Comme
l’automatisme, la conductibilité peut être modifiée par des facteurs
nerveux extrinsèques ou des variations ioniques. Les incitations dites vagales
du nerf pneumogastrique la diminuent; le sympathique et l’adrénaline
l’augmentent. L’hyperkaliémie ou l’hypocalcémie la diminuent.
Hémodynamique cardiaque
Dans
le ventricule gauche, lors de la systole ventriculaire, la pression augmente
d’abord très rapidement, tout en restant inférieure à la pression aortique
; c’est la phase isovolumétrique de la contraction, au cours de laquelle les
valvules sigmoïdes restent closes. Ces dernières s’ouvrent dès que la
pression intraventriculaire dépasse la pression intra-aortique (70 mm de
mercure, soit 93 hectopascals); elle atteint un maximum de 160hPa L’éjection
est d’abord rapide, puis lente; environ 95 ml de sang sont projetés hors du cœur;
il reste un résidu postsystolique d’environ 105 ml. Pendant la phase suivante
(relâchement isovolumétrique), avant l’ouverture des valves
auriculo-ventriculaires, le ventricule n’éjecte ni ne reçoit de sang,
c’est la protodiastole. La pression baisse ensuite très rapidement, pendant
la diastole ventriculaire. Le sang aortique tend à refluer et referme les
valvules sigmoïdes. Le remplissage ventriculaire commence dès que la pression
dans le ventricule rejoint la pression auriculaire, ce qui permet à la valvule
mitrale de s’ouvrir. La pression s’élève rapidement sous l’effet de l’élasticité
ventriculaire, puis plus lentement, mais, lors de la systole auriculaire qui
survient alors, le ventricule reçoit un nouvel apport de sang et la pression
s’élève encore légèrement. À la fin de la systole auriculaire, la
pression ventriculaire dépasse légèrement la pression auriculaire et ferme la
valvule mitrale.
Dans l’oreillette
gauche, les pressions sont plus faibles, subissant indirectement le contrecoup
des pressions intraventriculaires. Lors de son remplissage, la pression maximale
dépasse légèrement 13,3 hPa, puis s’abaisse aussitôt lorsque la valve
mitrale s’ouvre.
Dans les cavités
droites, les variations sont semblables, mais les pressions sont moins élevées,
avec un maximum de 33,3 hPa dans le ventricule droit. Les valvules sigmoïdes
s’ouvrent lorsque la pression ventriculaire dépasse la pression diastolique
de l’artère pulmonaire, soit 12 hPa. Dans l’oreillette droite, la pression
maximale est de 4 à 6,5 hPa.
Bruits du cœur
L’oreille
appliquée sur la paroi thoracique directement ou par l’intermédiaire d’un
stéthoscope perçoit deux bruits cardiaques séparés par deux espaces inégaux,
mais l’enregistrement phonocardiographique en recueille quatre, les deux
premiers étant seuls audibles.
Le premier bruit correspond au début de la systole ventriculaire;
il est dû à la fois à la fermeture des valves auriculo-ventriculaires, à la
réflexion, par les feuillets valvulaires, de l’onde de choc créée par la
mise sous pression du sang, à la distension brutale du segment initial de
l’aorte lors de l’ouverture des sigmoïdes et à l’écoulement turbulent
du sang pendant la phase d’éjection rapide.
Le deuxième bruit marque la fin de la systole ventriculaire et
correspond à la fermeture des sigmoïdes.
Le troisième bruit traduit,
au début de la diastole, le freinage brutal du remplissage ventriculaire et le quatrième
bruit est dû à l’arrivée de l’onde systolique auriculaire dans le
ventricule. Le troisième ou le quatrième bruits peuvent être
anormalement perçus à l’oreille, réalisant le rythme à trois temps appelé
«bruit de galop». Les lésions organiques ou fonctionnelles du cœur ou de
l’origine des gros vaisseaux peuvent en effet modifier les bruits normaux et
faire apparaître des bruits anormaux.
Les «souffles» ou «roulements»
sont la traduction acoustique d’un écoulement turbulent du sang, lié en
particulier à un brusque changement de calibre ou à une communication anormale
entre deux cavités cardiaques droite et gauche.
Électrocardiogramme (E.C.G.)
C’est
l’enregistrement graphique des courants d’action contemporains de la
contraction cardiaque. Il dessine une courbe correspondant à la dépolarisation
et à la repolarisation électrique du muscle cardiaque. Ces courants d’action
peuvent être enregistrés en n’importe quel point du corps, et notamment à
l’extrémité des membres dans les dérivations dites «standards». Le tracé
le plus communément rencontré comporte une première onde positive peu élevée,
l’onde P, une deuxième onde positive, plus élevée et plus rapide, l’onde
R, précédée et suivie de deux brèves déflexions négatives Q et S, enfin
une troisième onde positive T, en général un peu plus élevée que P.
L’E.C.G., traduisant
le processus d’excitation précédant la contraction, est en rapport direct
avec l’activité mécanique du cœur et avec la propagation de l’onde de
contraction.
L’onde P correspond à
la propagation de l’excitation du nœud sinusal au myocarde auriculaire et à
la contraction de celui-ci; elle précède de très peu la systole auriculaire
et succède au deuxième bruit. Le segment PR correspond à la conduction
auriculo-ventriculaire; il est horizontal, isoélectrique.
Le complexe QRS
correspond à la propagation de l’onde d’excitation aux deux ventricules; il
précède immédiatement la systole ventriculaire et par conséquent le premier
bruit. Le segment ST isoélectrique correspond au début de la systole
ventriculaire, période au cours de laquelle les ventricules, excités
totalement et uniformément, se dépolarisent.
L’onde T correspond à
la repolarisation du myocarde ventriculaire.
L’utilisation simultanée
des dérivations standards et d’autres dérivations (unipolaires des membres,
précordiales) permet d’apprécier avec précision la position du cœur, le développement
anormal de ses cavités et l’état de ses parois musculaires.
Débit cardiaque
C’est
le volume de sang expulsé par chaque ventricule au cours de l’unité de
temps. On le mesure en établissant le rapport entre la consommation d’oxygène
par minute et la différence de concentration de l’oxygène entre artère et
veine dans le même temps et par unité de volume sanguin, ou en mesurant dans
le sang artériel la diffusion d’un colorant ou d’un indicateur injecté par
voie veineuse. La difficulté qu’il y a à obtenir un échantillon de sang
veineux «moyen» représentatif fait désormais préférer à ces méthodes
celle du cathétérisme intracardiaque. En régime normal, les débits droit et
gauche sont égaux. Le débit cardiaque au repos est de 5 à 6litres par minute,
mais, pour pouvoir comparer le débit chez des individus différents, on
rapporte les chiffres obtenus au mètre carré de surface corporelle. On définit
ainsi l’index cardiaque qui, chez un
adulte au repos, est de 3,1 à 3,3 l/min/m2.
Il a été démontré que ce débit se répartissait ainsi selon les diverses
parties du corps : 30 p. 100 pour les os, les muscles et la peau, 25 p. 100 pour
les reins, 25 p. 100 pour les viscères de l’abdomen, 15 p. 100 pour le
cerveau et 5 p. 100 pour le myocarde.
Le débit cardiaque est
plus élevé chez l’enfant que chez l’adulte; il baisse progressivement après
soixante ans. L’index cardiaque est plus faible de 15 p. 100 chez la femme,
mais il augmente de 20 à 30 p. 100 pendant la grossesse. La chaleur,
l’altitude, les émotions, la prise d’aliments augmentent le débit
cardiaque ; l’exercice physique peut l’élever jusqu’à 20 à 25
litres par minute. Le sommeil et le passage de la position couchée à la
station verticale le diminuent.
Le débit cardiaque dépend
du rythme des contractions et du volume de l’ondée systolique; cette dernière
est liée au volume du remplissage diastolique, donc à la circulation veineuse
de retour et au degré des résistances périphériques à l’éjection; tels
sont donc les trois facteurs essentiels de l’adaptation du cœur. L’accélération
du cœur augmente le débit cardiaque, mais seulement dans une certaine limite ;
en effet, au-delà d’un rythme de 120 battements par minute, chez l’adulte,
le débit diminue, car l’accélération se fait aux dépens de la diastole qui
devient trop brève pour permettre le remplissage du cœur.
Le débit systolique
augmente parallèlement au retour veineux, grâce à une augmentation du volume
systolique s’accompagnant d’une augmentation concomitante de l’énergie
contractile myocardique («loi du cœur» de Starling), jusqu’à un certain
degré au-delà duquel le cœur se dilate; toute élévation du retour veineux
diminue alors le débit cardiaque et la pression veineuse augmente rapidement.
L’adaptation du cœur à l’augmentation du retour veineux a lieu au cours du
travail musculaire, de la grossesse, de certaines anémies, de l’hyperthyroïdie
et du passage de la position debout à la position couchée; cette dernière est
souvent mal tolérée lors de l’insuffisance cardiaque.
Lorsque les résistances
périphériques augmentent, notamment par perte de la souplesse des parois artérielles
ou diminution du calibre artériolaire, le débit cardiaque reste d’abord
constant malgré une augmentation du résidu systolique qui distend les fibres
cardiaques, provoquant de ce fait une augmentation de leur puissance
contractile. Mais là encore, au-delà de certaines limites, cette distension
passive altère l’énergie systolique du myocarde.
Normalement, les débits
droit et gauche sont identiques. Il existe cependant de faibles variations liées
au cycle respiratoire. Pendant l’inspiration, la dilatation du poumon retient
le sang et l’empêche de gagner le cœur gauche ; l’augmentation du
vide pleural dilate l’oreillette droite et favorise le remplissage du
ventricule droit. Le débit droit l’emportera donc sur le débit gauche à
l’inspiration, et inversement lors de l’expiration.
Travail du cœur
Pour
propulser une quantité donnée de sang à une certaine vitesse, sous une
certaine pression, le cœur exerce un travail cinq fois plus élevé pour le
ventricule gauche que pour le droit. Le travail total des deux ventricules peut
être évalué à 100 g/m à chaque systole, soit environ 10 000 kg/m par 24
heures. Un exercice musculaire intense peut multiplier le travail du cœur par 3
ou 4. Cet important travail est rendu possible grâce au débit sanguin
particulièrement élevé qui est assuré par les artères coronaires.
Le travail fourni par le
cœur peut être décomposé en deux fonctions. Le travail utile se résume
pratiquement au travail de pression, donc à l’énergie potentielle fournie au
volume de sang éjecté, emmagasinée sous forme de tension dans les parois
vasculaires, puis restituée sous forme d’énergie cinétique. Le travail
perdu dépensé dans le cœur lui-même revêt plusieurs formes. L’activité
fondamentale du myocarde et l’activité du tissu nodal consomment de l’énergie
et ne participent pas à l’éjection ventriculaire. Mais la plus grande part
de l’énergie perdue provient du faible rendement des réactions chimiques qui
fournissent l’énergie mécanique de la contraction.
Le «rendement» du cœur
peut se définir comme le rapport entre le travail utile et le travail total, ce
dernier pouvant être calculé à partir de la consommation en oxygène. Cette
consommation d’oxygène n’est donc pas en rapport direct avec le travail
utile et le rendement ne sera pas le même selon que varieront volume éjecté,
puissance ou fréquence. Ainsi l’augmentation de la puissance par élévation
de la pression d’éjection ou de la fréquence des contractions réduit le
rendement. Par contre, l’augmentation de la puissance par élévation du
volume systolique améliore l’efficacité mécanique de la contraction
ventriculaire. Ainsi les cœurs à fréquence basse et de volume systolique
important (cœurs d’athlètes) fonctionnent-ils dans les meilleures
conditions.
À l’état
physiologique, le rendement du cœur est de 0,12 à 0,20 et pourrait atteindre
0,30 dans les conditions les plus favorables.
3. L’écoulement du sang dans le réseau circulatoire
Du
point de vue physiologique, on divise l’appareil circulatoire en deux grands
systèmes.
Le système à haute pression qui comprend le ventricule gauche en
systole et le système artériel. La pression y est d’origine dynamique, sa
capacité est relativement faible, d’environ 700 ml, et il est peu extensible.
Son rôle de distribution est rendu sélectif par la vasomotricité. Sa forte résistance
hémodynamique est presque entièrement située à la sortie du système artériel,
donc au niveau des artérioles. La vitesse du sang y décroît progressivement
dans le sens centrifuge.
Le système à basse pression comprend les capillaires, les veines, le
cœur droit, la circulation pulmonaire et l’oreillette gauche. La pression y
est avant tout d’origine statique et l’influence de la pesanteur y est
notable. Sa capacité est grande, environ 5 000 à 6 000 ml, et il est
facilement extensible, ce qui lui confère un rôle de collecteur et de réservoir.
Sa résistance hémodynamique est faible. La vitesse du sang y croît
progressivement dans le sens centripète, sans jamais atteindre celle du système
à haute pression.
Circulation dans le système à haute pression
Les
caractéristiques de cette circulation énoncées plus haut sont liées en
grande partie à la structure de la couche moyenne de la paroi artérielle, qui
est composée de trois tuniques concentriques.
Rôle de la paroi et propriétés des artères
La
plus périphérique des trois tuniques d’une artère est l’adventice
qui comprend un tissu fibreux et des vaisseaux nourriciers (vasa vasorum). Puis, séparée de la précédente par la membrane élastique
externe, se situe la tunique moyenne ou media, la plus épaisse, comportant des fibres musculaires lisses et
des fibres élastiques en proportion variable. Les fibres élastiques sont
largement prédominantes dans l’aorte et les gros troncs artériels; elles
manquent dans les artérioles et sont peu nombreuses dans certaines artères
dites musculaires où dominent les fibres musculaires lisses. La tunique la plus
interne ou intima est formée d’un
tissu conjonctif, séparé de la media par la membrane élastique interne et
limitée du côté de la lumière artérielle par un endothélium.
Les fibres élastiques
de la tunique moyenne sont d’autant plus importantes que l’artère est de
plus gros calibre, et les fibres musculaires lisses d’autant plus importantes
que l’artère est plus petite; les grosses artères sont donc très élastiques
et peu contractiles, à l’inverse des petites qui sont plus élastiques mais
très contractiles.
L’élasticité artérielle
uniformise la circulation du sang et en augmente le débit. Lors de la
contraction ventriculaire, les grosses artères se distendent et la force élastique
ainsi développée devient à son tour force propulsive lors du repos
ventriculaire. Toute altération de l’élasticité artérielle impose au cœur
un travail supplémentaire.
La contractilité artérielle
permet les variations locales ou générales de l’irrigation sanguine,
assurant dans des circonstances précises une adaptation indépendante des
contractions cardiaques.
La vitesse du sang dans
les artères diminue avec leur diamètre. De 30 à 40 cm/s dans les grosses artères,
elle passe à 15-25cm/s dans les moyennes et n’est plus que de 5 à 10 cm/s
dans les artérioles.
Pression et tension artérielles
Sous
l’influence de la contraction cardiaque, le sang circule dans les artères
sous une certaine pression qui s’équilibre avec la tension de la paroi
distendue de ces mêmes artères. Bien que représentant des forces de sens
opposé, pression sanguine et tension artérielle désignent donc la même
chose. L’enregistrement graphique de la pression sanguine fait apparaître des
oscillations synchrones aux contractions cardiaques avec une pression maximale
(maxima ou pression systolique) lors de la systole ventriculaire et une pression
minimale (minima ou pression diastolique) lors de la diastole. La minima représente
donc la pression de charge permanente des artères, alors que la maxima n’est
qu’une surpression intermittente liée à la contraction cardiaque.
Chez le sujet normal, la
maxima est entre 160 et 187hPa et la minima entre 93 et 120hPa, dans les grosses
artères où elle est habituellement mesurée.
Selon la loi de
Poiseuille, qui régit la pression dans un conduit, la pression artérielle dépend
de la puissance de la contraction cardiaque et des résistances périphériques
rencontrées (elles-mêmes fonction de la longueur et du diamètre des
vaisseaux, de la masse sanguine et de sa viscosité). De tous ces facteurs, le
plus important de beaucoup, tant sur le plan physiologique que dans des
circonstances pathologiques, est constitué par la résistance vasculaire qui
varie surtout en fonction inverse du calibre des artérioles.
Les valeurs normales de
la pression artérielle varient en fonction du calibre de l’artère considérée.
La valeur minimale ne subit qu’une faible diminution, puisqu’elle est
essentiellement conditionnée par les résistances artériolaires et
capillaires. Par contre, la valeur maximale va s’abaisser très nettement, les
deux tendant à se confondre dans les plus petites artérioles, en une valeur
proche de 53hPa.
Pouls artériel
C’est
le choc perçu rythmiquement par le doigt qui palpe une artère superficielle en
la comprimant légèrement sur un plan dur. Il correspond à la variation
systolique de la pression artérielle, rendue perceptible grâce à la pression
exercée qui neutralise la tension propre de la paroi artérielle. Lorsqu’on
enregistre ce pouls artériel (sphygmogramme), on constate une onde principale
qui correspond à l’ondée systolique et se propage à une vitesse d’environ
9 m/s et une deuxième onde, l’onde dicrote, contemporaine de la fermeture des
valvules sigmoïdes aortiques qui s’opposent au reflux du sang au début de la
diastole.
Circulation dans le système à basse pression
Elle
intéresse le réseau capillaire, zone d’échange entre sang et liquides
interstitiels, le système lymphatique et le système veineux, qui ramènent
vers le cœur droit le sang qui a traversé les tissus et forme un volume de réserve,
et enfin la totalité de la circulation pulmonaire.
Circulation capillaire
Constituant
un réseau intermédiaire entre circulation artérielle et veineuse, les
capillaires sont faits de canaux anastomosés d’un diamètre de 5 à 20 micromètres,
à paroi endothéliale unicellulaire; extensibles et très peu contractiles, les
capillaires permettent par leur structure des échanges entre sang et tissus sur
une surface considérable (plus de 7000 m2
chez un adulte); ces échanges sont facilités par la minceur des parois et par
la lenteur de la circulation à leur niveau. Enfin, les capillaires, grâce aux
interstices de leur paroi, laissent les globules blancs du sang s’insinuer
dans les tissus, où ils jouent un rôle de défense.
Le sang circule dans les
capillaires de manière uniforme, mais l’écoulement s’y fait par glissement
de couches concentriques dont la vitesse augmente de la périphérie vers le
centre. La couche périphérique, où se trouve la majorité des globules
blancs, paraît presque immobile, alors que la zone centrale, où circule la
majorité des hématies, se déplace rapidement (environ 1 mm/s chez les mammifères).
La pression sanguine
s’abaisse progressivement dans le capillaire. Elle passe ainsi de 65hPa à la
jonction artériolo-capillaire à 40 ou 53hPa dans le capillaire artériel, pour
atteindre un minimum de 20hPa à la jonction entre capillaires et veinules. À
l’état normal, les oscillations tensionnelles sont amorties avant le réseau
capillaire et il n’existe pas de «pouls» capillaire. Celui-ci n’apparaît
que si artérioles et capillaires sont fortement dilatés, à la suite, par
exemple, d’une activité intense.
La microscopie électronique
permet d’individualiser trois groupes de capillaires. Les capillaires continus sont formés, sans interruption, de cellules
endothéliales. La face externe des cellules endothéliales est entourée par
une membrane basale moulée sur l’endothélium, le péricyte. Ces capillaires
sont de loin les plus répandus dans la plupart des organes, où ils sont entourés
d’un espace périvasculaire contenant du liquide interstitiel.
Les capillaires «fenêtrés»
se distinguent par la présence de nombreuses perforations dans le cytoplasme
des cellules endothéliales. On les trouve dans les organes où les échanges
liquidiens sont importants (glandes endocrines, reins, intestin, etc.).
Les capillaires discontinus sont formés de cellules du système réticulo-endothélial
qui restent indépendantes les unes des autres et sont séparées par de larges
interstices permettant le passage d’éléments figurés. Ils sont le propre du
foie et des organes spécialisés dans la production ou la destruction des éléments
figurés du sang (rate, moelle osseuse).
Le mécanisme de la
circulation capillaire est assez simple. Le passage du sang en plus ou moins
grande abondance dans les capillaires est sous la dépendance presque exclusive
des variations de calibre des vaisseaux qui les précèdent ou qui leur font
suite.
Il existe, en fait, dans
un réseau capillaire, des canaux dits «préférentiels» bien distincts des
capillaires vrais par la présence, dans leur paroi, de fibres musculaires
lisses séparées les unes des autres.
Selon la variation de
diamètre de ces canaux préférentiels ou shunts
artériolo-veinulaires, le débit augmente ou diminue dans les capillaires
vrais.
En dehors des échanges
nutritifs qu’ils assurent, les capillaires sont le siège d’un important
mouvement d’eau. Dans le segment artériel, la pression hydrostatique
l’emportant sur la pression oncotique développée par les protéines
plasmatiques, l’eau sort du capillaire. Dans le segment veineux, la différence
des pressions s’inverse et l’eau rentre dans la lumière du capillaire.
Toute perturbation de ce
mouvement de l’eau risque d’entraîner un déséquilibre entre les secteurs
hydriques de l’organisme. Ainsi, un excès de sortie de l’eau, ou un
obstacle à son retour par modification des pressions en présence (augmentation
de la pression hydrostatique ou baisse de la pression oncotique par hypoprotidémie),
entraîne l’apparition d’un œdème.
Les mouvements qui se
produisent à travers la paroi capillaire sont également susceptibles d’être
modifiés par tous les facteurs qui altèrent la perméabilité capillaire.
Ainsi la dilatation des capillaires, l’hypoxie, l’histamine augmentent
notablement cette perméabilité.
Circulation lymphatique
Placé
en dérivation sur la voie du retour veineux, le système lymphatique assure un
rôle de drainage sans être en continuité anatomique avec la circulation
sanguine. Les capillaires lymphatiques tissulaires, au moins aussi nombreux que
les capillaires sanguins, convergent en troncs qui traversent les ganglions
lymphatiques et se collectent en deux gros canaux qui gagnent la veine cave supérieure.
La dynamique lymphatique
semble soumise à de très grandes variations liées aux fluctuations
importantes de la formation de la lymphe. Son débit global est estimé à
1litre par 24 heures. La pression est très faible, inférieure à 6,5hPa et
souvent nulle. La progression de la lymphe dépend des contractions musculaires,
des battements des artères satellites et de la respiration. Le volume total de
la lymphe est de l’ordre de 5 à 6 litres chez un adulte, donc analogue au
volume sanguin. Malgré son faible débit, la circulation lymphatique assume un
rôle important en ramenant dans la circulation sanguine les molécules protéiques
parvenues accidentellement dans les liquides interstitiels et les lipides absorbés
par la muqueuse intestinale.
Circulation veineuse
Ramenant
vers le cœur le sang périphérique, les veines sont des conduits élastiques
et contractiles, beaucoup plus extensibles que les artères. Après la mort, la
presque totalité de la masse sanguine se confine au secteur veineux. La
structure des veines varie plus avec leur topographie qu’avec leur diamètre;
certaines sont riches en tissu élastique (cou, racines des membres), d’autres
riches en tissu musculaire (membres, abdomen). La tunique interne des veines présente
par endroits des valvules semi-lunaires qui dirigent le courant veineux.
Le volume sanguin
veineux est de 3000 à 3500 ml, soit 75 p. 100 du sang circulant et 60 p. 100 du
volume sanguin total.
La pression sanguine
passe dans le système veineux de 30 à 6,5-10,5hPa. Chez le sujet couché, en
pratique, on l’exprime le plus souvent en centimètres d’eau (entre 5 et
10cm d’eau). En position debout et immobile, s’ajoute à la pression en décubitus
celle de la colonne sanguine sous-jacente à l’oreillette droite et, à la
cheville, la pression peut atteindre 135hPa.
La vitesse circulatoire
croît dans les veines, de la périphérie vers le cœur, mais la capacité
totale du système veineux étant environ le triple de celle du système artériel,
la vitesse du sang veineux est de deux à trois fois plus faible que celle du
sang artériel dans les artères homologues.
La circulation du sang
dans le système veineux est liée à plusieurs facteurs dont le principal est
cardiaque. Bien que très diminuée par la traversée du réseau capillaire,
l’impulsion systolique contribue encore à propulser le sang veineux. Mais
cette propulsion est surtout favorisée par l’aspiration du ventricule lors de
la diastole ventriculaire par suite de l’abaissement du plancher
auriculo-ventriculaire.
À côté de ce facteur
essentiel, l’aspiration thoracique qui s’exerce sur les gros troncs veineux
du thorax et l’abaissement du diaphragme, en augmentant la pression négative
intrathoracique et en comprimant les viscères abdominaux, facilitent l’écoulement
du sang veineux vers le cœur. Enfin, les contractions musculaires
intermittentes compriment les veines du tissu musculaire et chassent le sang
vers le cœur, grâce aux valvules veineuses qui l’empêchent de revenir en
arrière.
À la partie supérieure
du corps, la pesanteur favorise le retour veineux. Le système valvulaire des
veines cervicales et céphaliques étant insuffisant, la circulation veineuse
est perturbée lorsque la tête est dans un plan sous-jacent à celui du cœur.
Circulation pulmonaire
Anatomiquement limitée
en amont par les valvules sigmoïdes pulmonaires et en aval par l’abouchement
des veines pulmonaires dans l’oreillette gauche, ses limites fonctionnelles réelles
sont en fait variables: elles vont des sigmoïdes pulmonaires aux sigmoïdes
aortiques en diastole et, en systole, d’une valve auriculo-ventriculaire à
l’autre.
Le système artériel
pulmonaire comprend d’abord des gros troncs élastiques, puis des artères
musculaires dont la media est moins épaisse que celle des artères systémiques
de même calibre. Leur ramification aboutit à plus de 200 millions de
sphincters précapillaires; un seul segment précapillaire donne naissance à
1000 segments capillaires. Il existe au total environ 280e109
segments capillaires pour 300e106 alvéoles;
la surface d’échange capillaire varie de 40 à 80 m2,
pour une surface alvéolaire de 80 à 110 m2.
Le volume capillaire est de l’ordre de 75 à 200ml.
La pression artérielle
pulmonaire peut être mesurée par cathétérisme en introduisant une sonde par
voie veineuse et en lui faisant franchir le cœur droit. Elle est, en moyenne,
de 33,5hPa pour la pression maximale et de 10,5hPa pour la minimale, avec
d’importantes variations. Elle est influencée par les changements périodiques
de la pression intrathoracique et peut s’élever considérablement en cas
d’obstacle ou de stase en aval (embolie pulmonaire, insuffisance cardiaque
gauche).
Si la fonction
essentielle de la circulation pulmonaire est d’assurer les échanges gazeux
entre sang veineux et air alvéolaire, sa position anatomique en amont du cœur
gauche et en série avec la circulation générale lui permet en outre de se
comporter à la fois comme un filtre mécanique et comme un réservoir dont le
contenu est immédiatement disponible pour assurer l’éjection ventriculaire
gauche.
4. Régulation de la circulation
Contrôle de l’activité cardiaque
Si
le faisceau de His assure l’automatisme des contractions du cœur, c’est
l’innervation extrinsèque du cœur qui assure l’intégration du
fonctionnement cardiaque dans l’ensemble de l’activité organique, de façon
rapide et précise, en adaptant le régime du cœur à chaque instant aux
multiples exigences occasionnelles.
Les centres nerveux
commandent le cœur par deux groupes de nerfs centrifuges à action opposée :
des fibres cardio-modératrices du
nerf pneumogastrique (nerf vague) qui, nées du bulbe, gagnent le cœur en trois
troncs distincts pour se terminer en particulier au contact des éléments du
tissu nodal; des fibres cardio-accélératrices
du système sympathique naissent de la moelle cervicale et dorsale, pour
cheminer également en trois nerfs distincts qui se terminent dans les fibres
myocardiques et le faisceau de His.
Les nerfs centripètes,
qui renseignent les centres nerveux, naissent de la crosse aortique (nerf de
Cyon) et de la bifurcation de la carotide primitive (nerf de Hering); ils
gagnent le bulbe. Les arcs réflexes susceptibles de modifier l’automatisme
cardiaque dépendent également de nombreuses autres afférences, comme le
prouve l’existence des réflexes à point de départ viscéral, oculaire, ou
ceux qui dépendent de la sensibilité générale. Il existe enfin des nerfs
centripètes qui, nés des vaisseaux et des parois du cœur, gagnent la moelle
cervico-dorsale.
La section des deux
pneumogastriques cardio-modérateurs provoque une tachycardie stable par libération
de la fréquence propre du nœud sinusal du cœur. L’excitation centrifuge
entraîne une bradycardie par allongement de la diastole; une excitation forte
arrête le cœur en diastole, mais, si l’excitation persiste, le cœur repart
à un rythme plus lent avec des battements auriculaires et ventriculaires indépendants.
L’excitation du pneumogastrique entraîne en plus une diminution de
l’amplitude des contractions, une augmentation de la distensibilité du cœur,
une diminution de la conductibilité et une augmentation de l’excitabilité du
myocarde.
La section des nerfs
sympathiques accélérateurs provoque une bradycardie. Leur excitation entraîne
la tachycardie après une brève latence, par raccourcissement de la diastole.
Elle provoque une augmentation de l’amplitude, une diminution de la
distensibilité, une augmentation de la conductibilité et une diminution de
l’excitabilité.
L’action des nerfs
cardio-modérateurs est attribuée à la libération d’acétylcholine qui
reproduit les mêmes effets que l’excitation du pneumogastrique. L’atropine
s’oppose aussi bien aux effets de l’acétylcholine qu’à l’action du
nerf. L’inhibition de la cholinestérase du sang et des tissus par l’ésérine
prolonge l’action du pneumogastrique. Le médiateur chimique des nerfs
cardio-accélérateurs est la noradrénaline dont l’action est inhibée par
l’ergotamine et l’yohimbine. Adrénaline et noradrénaline exercent sur le
rythme cardiaque les mêmes effets que la stimulation du sympathique.
Le contrôle nerveux de
l’automatisme cardiaque est permanent. Il existe dans les conditions basales,
car le tonus cardio-modérateur est constant, mais il intervient surtout chaque
fois que des besoins quelconques exigent des conditions circulatoires nouvelles.
Le tonus cardio-modérateur,
qui diminue la fréquence propre du nœud sinusal, est entretenu par un mécanisme
réflexe dont le stimulus est le taux de la pression artérielle ressentie au
niveau des zones barosensibles aortiques et carotidiennes; c’est de ces zones
que partent les voies centripètes des nerfs de Cyon et Hering. Toute élévation
de pression ressentie en ces zones entraîne une bradycardie; toute hypotension
provoque une tachycardie, liée principalement à une diminution du tonus modérateur
et au déclenchement de l’activité sympathique réflexe qui se manifeste par
une vaso-constriction généralisée. Par l’intermédiaire du glomus
carotidien, formation chimiosensible de la bifurcation carotidienne, l’élévation
de la teneur en gaz carbonique du sang déclenche par voie réflexe une
tachycardie; la lobéline ou la nicotine provoquent une bradycardie. Un mécanisme
réflexe, adaptant le débit cardiaque au retour veineux, maintient l’équilibre
circulatoire en cas de travail musculaire ou d’augmentation de la masse
sanguine qui provoquent une hyperpression ressentie dans les veines caves et
l’oreillette droite (réflexe de Bainbridge).
C’est à une régulation
réflexe qu’est attribuée l’accélération du cœur lorsqu’on passe de la
position couchée à la position debout. La compression oculaire entraîne un
ralentissement cardiaque: ce réflexe oculo-cardiaque est utilisé pour apprécier
le tonus cardio-modérateur. Enfin, les centres cardio-modérateurs sont
directement stimulés ou inhibés par l’asphyxie, l’anoxémie, l’anémie.
Il existe également une mise en jeu dite intercentrale: les émotions entraînent
une tachycardie et la déglutition une bradycardie.
Contrôle du réseau vasculaire
La
vasomotricité permet à la circulation sanguine de s’adapter à tout moment
aux besoins de l’organisme. Elle est capable de se modifier rapidement en cas
de perturbations, temporaires ou non, intéressant un point quelconque du
circuit. Elle y assure enfin un équilibre des pressions et des débits.
Les mécanismes régulateurs
Le système vasoconstricteur
dépend de centres nerveux bulbaires, mais également de centres répartis
dans tout le système nerveux (moelle, ganglions sympathiques, hypothalamus,
cortex cérébral). L’ensemble correspond grossièrement au système
sympathique. Il est cependant important de noter que si le système sympathique
exerce une action vasoconstrictrice dans la presque totalité de l’organisme,
il n’exerce pas d’action sur les artères cérébrales et provoque une
vasodilatation des artères coronaires du muscle cardiaque. Partout ailleurs,
l’excitation des fibres sympathiques provoque une vasoconstriction, et leur
section une vasodilatation.
Le système vasodilatateur
possède des centres dont la topographie est moins bien établie. Ses
fibres se répartissent à la fois dans les systèmes sympathiques et
parasympathiques. Leur origine est bulbo-médullaire et elles sont
essentiellement distribuées aux artères des organes dont l’activité métabolique
ou fonctionnelle est sujette à d’importantes variations.
Si l’excitation des
fibres vasodilatatrices provoque une augmentation du calibre artériel, par
contre leur section est habituellement sans effet, ce qui semblerait prouver que
l’état de tension appelé tonus artériel est principalement sous la dépendance
du système constricteur.
Ce contrôle nerveux est
doublé d’un contrôle humoral exercé par la glande médullosurrénale.
Celle-ci produit de l’adrénaline, vaso-constrictrice dans les territoires
cutanés et splanchniques, mais vasodilatatrice dans les territoires musculaires
actifs.
La mise en jeu de
l’innervation artérielle peut être directe ou indirecte. Ainsi, une
compression des centres nerveux du cortex cérébral, un appauvrissement en oxygène
du sang ou un enrichissement en gaz carbonique provoquent une vasoconstriction.
Une élévation de la température du sang provoque une vasodilatation. Mais
c’est surtout par un mécanisme réflexe que la vasomotricité est mise en
jeu, grâce à l’excitation des zones sensibles, vues précédemment, qui sont
situées à l’embouchure des veines caves et dans l’oreillette droite, à
l’origine de l’aorte et au niveau de la bifurcation de la carotide
primitive.
Les zones aortiques et
carotidiennes sont tout spécialement sensibles aux variations de pression à
leur niveau. Toute variation déclenche par voie réflexe une réaction
compensatrice en sens opposé; ainsi, une hypotension ressentie par ces zones
provoque une vasoconstriction périphérique qui tend à augmenter la pression
artérielle. De même, l’embouchure des veines caves et l’oreillette droite
sont sensibles aux variations de la pression veineuse : lorsque cette dernière
s’élève, une vasoconstriction se déclenche par voie réflexe, et
inversement.
Les zones aortiques et
carotidiennes sont également sensibles à la composition chimique du sang.
Toute élévation de la teneur en gaz carbonique et tout abaissement de la
teneur en oxygène provoquent une vasoconstriction.
Parmi les facteurs
chimiques essentiels dans le contrôle de la vasomotricité, l’adrénaline sécrétée
par la médullo-surrénale garde la première place. Tout facteur qui, comme la
douleur ou l’émotion, stimule la sécrétion de l’adrénaline provoque une
vasoconstriction et une hypertension indépendantes de toute intervention des
nerfs vasomoteurs. Il a été également suggéré que la vasodilatation nécessaire
à une hyperactivité glandulaire ou musculaire peut être liée à la libération
locale de substances puissamment vasodilatatrices, telle la bradykinine.
L’intervention physiologique de l’histamine dans un rôle analogue est plus
discutable, mais il n’est pas douteux qu’elle a une grande importance dans
certains phénomènes pathologiques où la vasodilatation est considérable :
inflammation, choc anaphylactique, phénomènes allergiques.
Cette régulation à la
fois nerveuse et chimique tend à assurer dans l’ensemble des circuits
vasculaires l’alimentation convenable des divers territoires. Certains
comportent cependant une irrigation très supérieure aux besoins, ce qui leur
permet d’assurer des fonctions particulières. C’est le cas du réseau cutané
qui contribue à équilibrer la thermorégulation centrale grâce à un débit
de 150 à 200ml/min pour 100 g de tissu irrigué; c’est le cas du circuit
vasculaire rénal qui, par suite de son rôle d’épuration, assure un débit
de 400ml/min pour 100 g; c’est le cas également des tissus glandulaires qui
assurent une sécrétion importante où le flux peut atteindre 600 à 700
ml/min; c’est enfin le cas de la muqueuse intestinale où un débit de 400 à
500 ml/min permet les phénomènes d’absorption. Par ailleurs, les circuits
vasculaires les plus importants de l’organisme, c’est-à-dire ceux du muscle
cardiaque et de la substance grise des centres nerveux, disposent de moyens
d’adaptation qui leur permettent de fournir des débits de 300 à 400ml/min.
À l’inverse, certains
réseaux paraissent insuffisamment développés, notamment la vascularisation
des muscles squelettiques qui représentent environ 40 p. 100 de la masse du
corps et où un débit maximal de 50 à 70ml est incapable de subvenir à un
effort physique intense. Cette limitation du débit vasculaire implique déjà
en cas d’effort musculaire intense un débit musculaire total de 25 à 30
l/min, auquel s’ajoutent les exigences du travail du cœur et l’augmentation
du débit vasculaire cutané lié à l’excédent de chaleur produit. Si le débit
musculaire était plus élevé, il exigerait un volume sanguin que la pompe
cardiaque serait incapable d’assurer et on aboutirait à une chute
tensionnelle.
Les muscles sont
d’ailleurs capables de subvenir à cette insuffisance circulatoire, en cas de
travail intense, en faisant appel à l’oxygène de la myoglobine qu’ils
contiennent et en fonctionnant en métabolisme anaérobie qui ne nécessite pas
d’apport immédiat en oxygène.
Modalités de la régulation vasomotrice
Ce
qui précède montre clairement que la régulation vasculaire peut être
purement locale ou faire appel à une régulation nerveuse et réflexe.
Régulation locale . La capacité
des divers circuits peut s’adapter aux besoins courants, grâce à l’activité
myogène des muscles lisses artériolaires et des sphincters précapillaires. La
distension de leurs éléments contractiles provoquée par la tension artérielle
assure cette régulation. C’est grâce à cette commande locale que se ferait
notamment la régulation du flux capillaire en cas de changement de position du
corps.
D’autre part, certains
produits du métabolisme tissulaire exercent une action directe dont le sens et
l’importance varient en fonction du tissu considéré. Ainsi le gaz carbonique
pour les vaisseaux cérébraux, le potassium pour les vaisseaux musculaires se
montrent-ils capables d’exercer une action vasodilatatrice. Au sein des tissus
glandulaires soumis à un travail intense, la libération de bradykinine permet
d’obtenir le même résultat. Des substances analogues sont libérées en cas
de lésion tissulaire localisée et provoquent la vasodilatation caractéristique
des phénomènes inflammatoires.
Régulation nerveuse et réflexe .
Elle est sous la dépendance du tonus sympathique entretenu par le centre
bulbaire vasorégulateur, lui-même soumis aux incitations sensitives provenant
des zones vasculaires spécialisées soit dans l’appréciation du degré de
remplissage de l’appareil circulatoire, soit dans celle de la tension exercée
sur ses parois, soit enfin dans celle de la composition chimique du sang artériel.
Mais cette régulation nerveuse ne se réalise pas uniformément pour
l’ensemble de la circulation; elle est très sélective et varie en fonction
du type d’information reçu et du tissu considéré.
La distribution préférentielle
des fibres vasoconstrictrices sympathiques dans les tissus qui supportent
facilement des réductions d’irrigation explique notamment que les organes
vitaux comme le myocarde et le cerveau soient le plus souvent épargnés par de
telles réductions. D’autre part, il semble bien que les impulsions issues des
centres vasomoteurs ne soient pas ressenties partout de manière analogue.
Ainsi, les vaisseaux
musculaires sont davantage touchés par les réflexes vasomoteurs qui ont pour
origine les zones sensitives vasculaires que ne le sont les vaisseaux de la peau
et des reins, dans des conditions normales. De ce fait, les circuits cutanés et
rénaux qui sont importants pour l’équilibre thermique et hydroélectrolytique
sont normalement très peu touchés par les mécanismes d’homéostasie
circulatoire. Ils peuvent l’être accidentellement en cas d’incitations
douloureuses provenant des fibres nerveuses nociceptives, en cas d’influx
passagers tels que la peur ou la colère, ou lorsque la fonction excitatrice du
centre vasorégulateur est alertée par des phénomènes graves, une perte
importante de sang par exemple.
Cette différenciation
des réactions vasomotrices est encore plus subtile lorsque les influx
excitateurs proviennent de centres cérébraux supérieurs qui sont capables
d’induire des types de décharges spécifiques et autonomes, appropriées à
des situations d’alarme ou à des activités alimentaires ou sexuelles.
La régulation
circulatoire nerveuse ne s’exerce pas seulement par des modifications de diamètre
des vaisseaux; elle peut entraîner également des modifications des volumes
contenus à l’intérieur de ces mêmes vaisseaux par des variations des
rapports des résistances pré- et postcapillaires.
Modifications du volume sanguin
Les
expériences classiques de Verney tendaient à attribuer la régulation des
volumes sanguins à la fois aux variations de la pression osmotique et aux
variations de la pression artérielle, dans une conception finaliste selon
laquelle le contenant s’adaptait au contenu pour maintenir le débit
cardiaque. Ces expériences basées sur des modifications très importantes des
volumes sanguins étaient en fait extraphysiologiques. Il semble bien établi
que, dans un premier stade, la régulation du volume sanguin porte avant tout
sur la libération d’hormone antidiurétique diencéphalo-posthypophysaire
qui, en augmentant la réabsorption d’eau par le rein, rétablit le volume
sanguin insuffisant. Si la diminution de ce volume est plus importante, elle est
ressentie au niveau du rein dont l’hémodynamique est perturbée; il va alors
sécréter la rénine qui, par l’intermédiaire de l’angiotensine, provoque
une vasoconstriction et aussi la sécrétion d’aldostérone par la
cortico-surrénale. Cette dernière hormone provoque une réabsorption accrue de
sodium par le rein, donc une diminution supplémentaire de la diurèse.
Rénine, angiotensine et
aldostérone sont très probablement impliquées dans l’installation de la maladie
hypertensive humaine, selon des modalités encore discutées, mais où
s’intriquent vasoconstriction artériolaire et rétention hydrosodée.
Dans une troisième étape,
si le déficit circulatoire est encore plus important, l’organisme augmente
ses possibilités d’adaptation en mettant en jeu une veino-motricité
d’origine sympathique, qui adapte le lit vasculaire à son contenu, mais il
s’agit là d’un réflexe qui n’apparaît que si la régulation de la diurèse
a été dépassée. Les volo-récepteurs, ou récepteurs sensibles aux
variations de volume qui interviennent dans ces réflexes régulateurs, sont
probablement situés entre les veines pulmonaires et la région
auriculo-ventriculaire droite, peut-être également dans la paroi de
l’oreillette droite, donc dans le circuit à basse pression et dans le même
plan horizontal que le cœur.
La voie afférente de ces récepteurs est constituée par des
filets du nerf pneumogastrique qui, grâce à des connexions bulbaires, peuvent
conduire l’influx sensitif jusqu’à la région diencéphalique qui contrôle
la formation et la sécrétion d’hormone antidiurétique. Cette dernière représente
la voie afférente humorale, mais il est possible qu’elle soit «doublée»
d’une voie nerveuse qui inhiberait le tonus vasomoteur rénal.
Les mécanismes de lutte
contre une diminution du volume sanguin circulant, telle qu’on peut
l’observer à la suite d’hémorragies, peuvent être inefficaces si les
pertes anormales se répètent. La vasoconstriction réflexe, lorsqu’elle se
prolonge au-delà de certaines limites, entraîne une hypoxie tissulaire prolongée,
une hyperperméabilité capillaire et un effondrement difficilement réversible
du volume plasmatique qui caractérisent l’état
de choc.
Régulations particulières
Circulation pulmonaire
Les
expériences utilisant le dispositif du cœur-poumon isolé montrent que la
circulation pulmonaire peut être influencée par la composition chimique du
sang qui la parcourt. Mais, le plus souvent, les stimuli mis en jeu dépassent
les marges de variations physiologiques, et il est toujours très délicat de séparer
les réactions propres de la circulation pulmonaire de celles qui ne sont que le
reflet des modifications de la circulation générale.
Il est cependant démontré
que l’inhalation d’un mélange pauvre en oxygène élève la pression artérielle
pulmonaire sans modification du débit cardiaque ni de la tension artérielle générale,
ni de la répartition des volumes circulants. L’hypoxie agit directement sur
la partie juxta-alvéolaire des artérioles précapillaires. La concentration du
sang en ions H+ joue en sens inverse
un rôle équivalent. La pression partielle du gaz carbonique exerce de façon
analogue une action vasoconstrictrice directement sur les capillaires ou les
veinules, donc plus en aval.
La situation de la
circulation pulmonaire la prédispose à des interrelations physiopathologiques
étroites avec le cœur. Tout obstacle mécanique ou fonctionnel sur cette
circulation retentit sur le cœur en amont et en aval. Une embolie pulmonaire,
qui bloque une branche plus ou moins importante de l’artère pulmonaire,
s’accompagne d’une vasoconstriction réflexe sur les artérioles non obstruées
par l’embolie. Il en résulte habituellement, en amont, une hypertension
pulmonaire et un retentissement sur le cœur droit (cœur pulmonaire aigu); en
aval, une chute du débit dans le cœur gauche, ce qui peut provoquer un
collapsus. Toute pneumopathie chronique s’accompagnant de fibrose, par
l’obstacle progressif qu’elle réalise, retentit également sur le cœur
droit (cœur pulmonaire chronique). À l’inverse, un obstacle sur le cœur
gauche, rétrécissement mitral ou aortique, a pour conséquence une
hypertension pulmonaire qui expose à des accidents d’œdème pulmonaire aigu
avec extravasation brutale du plasma dans les alvéoles.
Circulation cérébrale
Les
besoins énergétiques de l’encéphale sont très importants par rapport à
ceux des autres tissus. Une interruption de la circulation cérébrale provoque
au bout de dix secondes une perte de conscience.
L’irrigation
artérielle cérébrale est assurée chez l’homme pour 90 p. 100 par le système
carotidien, et l’occlusion carotidienne, à la suite d’une thrombose, entraîne
très vite un déficit circulatoire étendu à tout l’hémi-cerveau
correspondant. Au sein du cerveau, la substance grise, avec environ 1000
capillaires par millimètre carré, est trois fois plus vascularisée que la
substance blanche.
Le débit sanguin cérébral
représente normalement environ 15 p. 100 du débit cardiaque, soit environ 55
ml/min/100g, mais il est capable de s’élever considérablement en cas de
besoin.
La consommation d’oxygène
du cerveau, de l’ordre de 45ml/min, soit environ 3,2 ml/min/100g, représente
18 p. 100 de la consommation d’oxygène totale.
La régulation
circulatoire cérébrale présente plusieurs particularités. Situé dans une
enveloppe rigide, le tissu nerveux est incompressible. Le volume sanguin cérébral
ne peut donc être modifié qu’en cas de variation inverse soit du liquide céphalorachidien
soit des liquides interstitiels. Toute élévation de la pression intracrânienne
à leur niveau risque de se transmettre aux vaisseaux et, avant tout, à la
circulation veineuse où la pression est la plus basse. Le débit cérébral ne
risque de s’abaisser que si la pression intracrânienne dépasse 44hPa de
mercure, ce qui représente une certaine marge de sécurité.
La circulation cérébrale
dépend également de la pression de perfusion qu’on peut assimiler à la
pression artérielle moyenne, mais ce n’est qu’au-dessous d’une pression
moyenne de 80 mm de mercure que le débit cérébral s’abaisse. Le cerveau se
trouve protégé contre une telle chute grâce à des récepteurs sensibles aux
variations de pression, ou baro-récepteurs, placés à l’origine et sur le
trajet des artères qui lui sont destinées. À l’inverse, les élévations, même
importantes, de la pression artérielle ne modifient pas le débit cérébral.
La régulation de
l’irrigation cérébrale échappe en pratique au système vasomoteur. Elle est
avant tout d’origine humorale. Le stimulus le plus efficace est la pression
partielle en gaz carbonique du sang artériel (pCO2). L’inhalation d’un mélange
riche en CO2 et tous les états d’asphyxie augmentent considérablement le débit
cérébral. À l’opposé, l’hyperventilation peut le réduire de moitié. La
pression partielle en oxygène (pO2) a des effets inverses, mais moins marqués.
Il en est de même du pH dont seules les diminutions pathologiques risquent
d’avoir un effet vasoconstricteur.
Circulation coronaire
Les
artères coronaires assurent la vascularisation du myocarde qui est le plus
grand consommateur d’oxygène de l’organisme. Ne représentant que 0,5 p.
100 du poids du corps, le muscle cardiaque exige pour lui seul 5 p. 100 du débit
cardiaque, soit de 60 à 100ml/min/100 g et sa consommation d’oxygène atteint
14 p. 100 de la consommation totale. Le sang veineux coronaire est celui qui a
la plus faible teneur en oxygène.
Le réseau artériel
coronaire est de type terminal, sans anastomoses physiologiques. Toute
obstruction par thrombose entraîne une ischémie et une nécrose qui caractérisent
l’infarctus du myocarde. Il a
cependant été démontré par des opacifications du réseau coronaire
(coronographies) que des anastomoses existaient en cas d’obstruction
pathologique, expliquant probablement l’évolution favorable de certains
infarctus. Par ailleurs, le réseau capillaire du myocarde est très riche. Il y
a environ 5000 capillaires par millimètre carré.
Une des particularités
notoires de la circulation coronaire est l’influence qu’elle subit du fait
de la contraction cardiaque. Dans leur tronc principal et leurs branches
extracardiaques, les coronaires ont une pression identique à la pression de
l’aorte d’où elles naissent. La courbe de pression est, par contre, très
particulière pour les branches intracardiaques. Au début de la systole, la
pression s’élève, mais la contraction myocardique augmente la résistance à
vaincre et, en fin de compte, le débit diminue, surtout dans le ventricule
gauche qui a la paroi la plus épaisse. Puis le débit s’élève pendant l’éjection
systolique et reste élevé pendant toute la diastole. C’est pendant celle-ci
qu’est assuré 75 p. 100 du débit total. En cas de tachycardie, le rythme
cardiaque s’accélérant aux dépens de la diastole, le débit coronaire
risque d’être fâcheusement diminué.
Le rôle des facteurs
nerveux est discuté et probablement minime. Il est délicat de dissocier les
effets circulatoires généraux des effets strictement coronariens des nerfs
sympathiques et parasympathiques, mais il est certain que le tonus
vasoconstricteur est faible dans le réseau coronaire.
Le facteur régulateur
essentiel est la pression partielle en oxygène (pO2). Le myocarde est particulièrement
sensible à l’hypoxie, qui entraîne des lésions irréversibles si elle se
prolonge plus de 5 à 10minutes. La pO2 va constituer le stimulus essentiel de
la régulation du débit coronaire, tout abaissement déclenche une
vasodilatation réflexe qui permet ainsi un ajustement immédiat du débit
coronaire aux besoins énergétiques. En comparaison du stimulus de la pO2, les
autres facteurs humoraux (pCO2, pH) sont certainement négligeables.