LA CIRRHOSE DU FOIE

 

I) Définition :

C’est une définition anatomique, 5 critères sont exigés :

-          atteinte diffuse du foie

-          désorganisation de l’architecture lobulaire du foie

-          la nécrose cellulaire

-          présence d’une fibrose

-          Présence de nodules de régénération à l’intérieur du foie.

 

La nécrose cellulaire et la fibrose mutilante ont 2 conséquences :

-          L’une vasculaire : compression de la veine centro lobulaire ce qui va gêner la circulation dans les sinusoïdes, ce qui favorise le développement d’anastomoses artério veineuses, ceci aboutit à l’augmentation des pressions sanguines dans le système porte ce qui va donner l’hypertension portale (HTP).

-          2° conséquence : parenchymateuse : destruction des cellules hépatiques ce qui va favoriser l’insuffisance hépato cellulaire (IHC).

 

HTP va entraîner :             *circulation veineuse collatérale

                                    *splénomégalie

                                    *varice oesophagienne

                                    *ascite

 

IHC va entraîner :            *angiome stellaire

                                    *érythème palmaire

                                    *ongle blanc par agrandissement de la lunule

                                    *troubles endocriniens

                                    *ictère

                                    *encéphalopathie.

 

II) La cirrhose hépatique non compliquée :

A)      le foie cirrhotique :

-          il est palpable sous le rebord costal

-          De volume variable.

 

B)      les signes de HTP :

il y a une circulation veineuse collatérale :

-          au niveau de l’abdomen, il y a des veines dilatées sous cutanées

-          La splénomégalie (elle est palpable, percutable) est retrouvée à l’échographie.

-          les varices oesophagiennes ou de la grosse tubérosité

-          Et la gastrite hypertensive.

Tout cela ce diagnostic par fibroscopie.

 

C)      les signes d’IHC :

1)       les signes cutanés :

-          angiome stellaire sur le visage, le nez, le thorax, les membres supérieurs

-          érythrose palmaire

-          Ongles blancs qui ont perdu leur lunule.

 

2)       les troubles endocriniens :

Chez l’homme :            *disparition de la pilosité axillaire

                                    *la pilosité pubienne devient féminine

                                    *atrophie testiculaire et gynécomastie par hyper oestrogénie.

Chez la femme :            *diminution de la pilosité axillaire et pubienne, aménorrhée.

 

 

 

3)       les signes biologiques :

Syndrome d’insuffisance hépato cellulaire. Diminution des facteurs de la coagulation et hypo albuminémie.

On peut trouver également dans le syndrome biologique une augmentation des gamma GT qui est un signe d’alcoolisme et cette augmentation est due à une induction enzymatique.

Des anomalies des globulines. A l’électrophorèse des protides, il y a augmentation des Bêta et gamma globuline ce qui donne un bloc Bêta-gamma. Si devant ces signes, on a un doute, c’est la PBF qui donnera le diagnostic.

 

III) la cirrhose compliquée :

A)      complication due à l’hypertension portale :

1)       Rupture des varices oesophagiennes :

Complications fréquentes, c’est une urgence médicale nécessitant une hospitalisation en soins intensifs. Elles se manifestent par une hémorragie digestive souvent hématémèse. Ceci nécessite une appréciation de l’importance du saignement.

La mise en place de voie veineuse (2) avec rééquilibration hémodynamique.

La pratique d’une fibroscopie en urgence va démontrer l’origine variqueuse de l’hématémèse. Elle va faire le diagnostic mais permettra le traitement.

 

Le traitement de la rupture de varice :

·         traiter d’urgence :

1)       prescription de médicaments qui va faire chuter HTP (colypressine ou la somatostatine)

2)       Sclérose des varices oesophagiennes ou ligature élastique par voie endoscopique.

3)       Sonde de Blackmore en cas de non-résultat positif au traitement. Lorsque l’hémorragie n’est pas contrôlée cela entraîne une chirurgie par anastomose porto-cave.

 

·         traitement préventif de l’hémorragie digestive par varices oesophagienne :

-          utilisation des Bêta bloquants (Avlocardyl)

-          ou certains dérivés nitrés

-          les scléroses

-          Les ligatures élastiques.

On fait de moins en moins de ligatures porto-cave.

 

B)      les complications liées à l’insuffisance hépato cellulaire :

1)       ictère : 2 fois / 4.

Début progressif, intensité variable, augmentation mixte de la bilirubine libre et conjuguée.

2)       encéphalopathie hépatique :

-          il y a des troubles de la conscience et du comportement (inversion du rythme du sommeil)

-          Alternance d’apathie et d’agressivité, d’agitation, instabilité, désorientation.

-          Etat confusionnel, somnolence croissante.

 

A l’examen :

Le meilleur signe est l’astérixis ou flapping (flexion des bras et extension des doigts de la main). On va observer des mouvements de flexion et d’extension articulaire.

-          Le foeto hépaticus : haleine ammoniacale

-          L’hypertonie extra pyramidale au niveau des membres donnant des signes de la roue dentée.

-          L’EEG va donner des signes très divers.

 

Le traitement de cette encéphalopathie :

-          traitement préventif :

Contre indication absolue chez le cirrhotique de prescription de tranquillisant, de somnifères ou de médicaments responsables de somnolence.

Il faut traiter par ATB toute infection urinaire ou intestinale.

-          le traitement curatif :

en particulier en cas d’hémorragie digestive :

            *le lactulose qui se prescrit soit par la bouche chez les sujets conscients 3 à 6 cuillères à soupe/jour, soit par lavement 300cc de Duphalac dilué dans 700cc d’eau.

            *la néomycine à posologie 6 à 8 comprimés / jour et en cas d’encéphalopathie chronique : donner un régime pauvre en protides animales et riches en protides végétales (régime lacto végétarien).

 

Rôle de l’infirmier en cas d’encéphalopathie :

-          Savoir reconnaître l’encéphalopathie en recherchant le Flapping et les troubles de la conscience.

-          Vérifier l’absence de médicaments susceptibles de favoriser l’encéphalopathie, les somnifères et les tranquillisants.

-          Donner Duphalac par la bouche ou en lavement.

-          Noter sur une feuille de surveillance, l’état de conscience, des troubles de sommeil et d’humeur et évolution du Flapping.

 

3)       L’ascite :

C’est une complication de HTP et IHC.

·         schématiquement la formation de l’ascite est due :

a)       à des facteurs locaux :

A l’état normal, il y a un équilibre entre la pression maintenant le liquide plasmatique à l’intérieur des vaisseaux (pression oncotique liée aux protéines) et la pression osmotique qui tend à faire sortir l’eau du capillaire ou des vaisseaux.

En cas de cirrhose, il y a une diminution de l’albumine donc chute de la pression oncotique mais il y a aussi une augmentation de la pression osmotique liée à L’HTP ce qui entraîne le passage de liquide plasmatique au niveau de la cavité péritonéale.

b)       les facteurs généraux :

Chez le cirrhotique il y a une hypovolémie périphérique qui entraîne une chute de la perfusion rénale (artérielle) ceci va entraîner une hyper sécrétion d’aldostérone qui favorise la rétention d’eau et de sodium.

L’aldostérone est catabolisée dans le foie mais comme il y a insuffisance hépatique, il y a accumulation d’aldostérone, ce qui favorise la rétention d’eau et de sodium et ce qui augmente la pression osmotique.

 

·         le diagnostic de l’ascite :

il repose sur la clinique :

-          A l’inspection on note une augmentation du volume de l’abdomen qui peut être considérable déplissant l’ombilic.

-          A la percussion on retrouve une matité mobile, c’est une matité à concavité supérieure ;

-          Le signe du glaçon : à la palpation quand on appuie sur le foie, celui-ci remonte pour venir frapper l’abdomen, comme un glaçon lancer dans un verre d’eau.

 

sur la ponction de l’ascite :

-          Confirme l’existence dans la cavité péritonéale. En absence d’infection il s’agit d’un transsudat, c’est à dire il est pauvre en cellules et en protéines (le liquide d’ascite).

-          L’ascite s’accompagne parfois d’œdème des membres inférieurs et d’hydro thorax parfois.

 

·         le traitement de l’ascite :

-          Ponction abondante 4 L / jour à faible débit avec perfusion simultanée de solution macro moléculaire jusqu’à assèchement de l’ascite si possible.

-          Régime sans sel, et faible dose de diurétique (Aldactone associé parfois au Lasilix).

-          On surveille la fonction rénale et ionogramme sanguin et urinaire pour éviter l’hypo natrémie. Un taux de sodium sérique inférieur à 130 meq / L impose l’arrêt des diurétiques et la mise en restriction hydrique ;

-          Le traitement d’entretien fait appel à des posologies plus faibles et en discontinues des diurétiques.

-          Lorsque l’ascite devient chronique résistante au régime sans sel et diurétique :

*poursuivre les ponctions évacuatrices avec perfusion simultanée des protides, en fonction de la tolérance de l’ascite, en utilisant des structures hôpital de jour.

*la mise en place d’une valve de Leveen péritonéo-jugulaire, c’est une prothèse. Le chirurgien va poser un cathéter spécial (Leveen), mis dans la veine jugulaire, va cheminer par voie sous cutanée et aller dans l’abdomen et drainera l’ascite directement dans la veine jugulaire.

On peut faire une anastomose porto-cave, c’est rare.

 

Rôle de l’infirmier chez le patient cirrhotique avec ascite :

-          savoir que toute ascite doit être ponctionnée

-          préparer le matériel à ponction

-          les tubes nécessaires (les 3)

-          adresser les tubes au laboratoire (bactério, biochimie, anapath)

-          Si la ponction est évacuatrice, brancher le cathéter sur l’aiguille de ponction et le relier à un flacon de 2 litres.

-          Noter la quantité et la qualité du liquide ponctionner

-          Vérifier que le régime sans sel sera bien suivi et renseigner la famille sur l’exigence de cette thérapeutique.

-          Donner les diurétiques le matin et non le soir

-          Noter la diurèse des 24h avec entrée et sortie

-          Le poids du patient et le périmètre abdominal

-          Contrôler la tolérance ionique sanguine au traitement hebdomadaire ou bi hebdomadaire.

 

c)       les complications non liées à HTP et IHC :

1)       les infections :

Les cirrhotiques sont particulièrement sensibles aux infections (intestinales ou urinaires, se manifestent par des tableaux habituels)entraîne une coproculture et ou ECBU et un traitement ATB adapté en fonction du germe.

Il faut toujours avoir en arrière pensée la tuberculose (immuno déprimé, condition sociale faible, les cirrhotiques personnes affaiblies).

L’infection du liquide d’ascite :

Grave car infection du péritoine : risque vital.

Il y a des formes typiques : douleurs abdominales, fièvre, hyper leucocytose, chez un patient ayant de l’ascite, ça doit faire tilt.

Faire un prélèvement du liquide ascite (3 pots : chimie, bactério, biologie).

Ce liquide est mis en culture pour la recherche du germe en cause. Des hémocultures peuvent être faites pendant l’ascension thermique.

La cytologie va montrer des PNN dans le liquide ascite. Le traitement de l’infection du liquide d’ascite est fait par ATB (Quinilones*, Offocet*, Ciflox*) ou des ATB : céphalosporines 3° génération (Roséffine*).

Il faut prévenir les infirmiers du liquide d’ascite en prenant des soins d’asepsie, quand on fait un prélèvement d’ascite.

Il faut désinfecter toutes lésions chez ces gens là pour éviter une surinfection.

Quand c’est traiter, on peut donner une ATB en courte période au long court pour éviter une récidive, en respectant l’effet secondaire et les contre indications.

 

2)       cancérisation ou survenue d’un carcinome hépato cellulaire (= hépatome) :

C’est une complication fréquente sur cirrhose, elle reste longtemps latente donc dépistage périodique chez le cirrhotique.

·         les signes cliniques :

-          douleurs sourdes de l’hypocondre droit

-          ictère isolé

-          décompensation ictéro ascitique sans facteurs déclenchant (soit consommation d’alcool en hausse ou infections intercurrentes)

-          Hépatomégalie douloureuse alors que le foie cirrhotique n’est pas douloureux.

·         Les signes biologiques : met en évidence l’augmentation des GGT, augmentation alpha foeto protéines (signes de cholestases).

·         L’échographie va montrer une tumeur soit isolée, soit une tumeur mère avec plusieurs autour (métastases).

·         Le scanner permet de détecter de façon intéressante la tumeur.

·         Même IRM c’est intéressant.

 

Le traitement sera discuté en fonction de la taille de la tumeur, topographie et de la gravité et le stade de la cirrhose.

En cas de cirrhose non décompensée (fonction hépatique encore bonne), on peut donc faire une chirurgie hépatique si localisé à un segment ou un lobe du foie. Une greffe du foie peut être envisagée s’il y a un donneur.

Si la chirurgie n’est pas possible cela entraîne une chimiothérapie ou alcoolisation de la tumeur (méthode palliative).

 

3)       L’anémie :

fréquente chez le cirrhotique :

-          Soit défaut d’apport en vitamine et acide folique.

-          Soit à une dilution des GR, du fait de la rétention hydro sodée.

-          Soit par hémolyse, due à l’hyper tension portale.

-          Soit des anticorps anti GR

-          Soit par des hémorragies fréquentes chez le cirrhotique (nez, gencives, hématomes cutané, rupture de varice oesophagienne)

-          La séquestration splénique par hyper splénisme (augmentation du volume de la rate) qui va séquestrer GR, GB, plaquettes.

 

IV) Le diagnostic étiologique et traitements spécifiques :

1)       la 1° cause de cirrhose c’est l’alcoolisme :

Que l’intoxication soit reconnue ou réfutée par le patient, on ne peut pas revenir en arrière quand la cirrhose est installée (2/3 L de vin / jour pendant 10 ans chez l’homme, 1/3 L de vin / jour pendant 10ans chez la femme).

 

Arguments cliniques d’intoxication alcoolique chronique :

-          trouble du comportement (instabilité du caractère)

-          hypertrophie des glandes parotides

-          Maladie du dupuytren (rétraction des tendons, aponévrose de la main).

-          Polynévrite des membres inférieurs (bilatérale).

 

Arguments biologiques :

-          augmentation du VGM à plus de 98 microns cube

-          augmentation des gamma GT

-          Augmentation des triglycérides sériques.

 

Des signes histologiques quand la PBF est faite :

-          stéatose hépatique (surcharge du foie en graisse)

-          Existence du corps de malory (organites vus à la PBF).

 

Traitement de la cirrhose alcoolique :

Sevrage alcoolique avec prise en charge psychologique, sociale.

 

2)       cirrhose post hépatique virale ou post hépatique :

-          l’hépatite A ne devient jamais chronique donc pas de cirrhose

-          L’hépatite B, C entraîne une cirrhose car agressive.

Il y a des arguments épidémiologiques (sujet transfusé, hémodialyse, hémophiles) ou sujet toxicomane (voie nasale ou IV), les homosexuels, notion d’hépatites virale dans les antécédents.

Et marqueurs sérologiques du virus B et C.

La PBF va montrer la cirrhose post H avec fibrose.

 

Le traitement :

On traite surtout les cirrhoses non décompensées due aux hépatites virales, si décompensé traitement symptomatique.

-          Interféron* soit seul ou associé à la Ribavirine* per os.

3)       les autres causes de cirrhose :

·         hémochromatose :

Trouble héréditaire du métabolisme du fer. Il y a accumulation du fer dans les différents organes, en particulier le foie, le cœur, les glandes endocrines et les articulations.

-          biologie :

Augmentation du fer, de la ferritine, du coefficient de saturation de la transférine (supérieur à 50%), on suspecte une hémochromatose.

On peut rechercher le gène de l’hémochromatose par prélèvement sanguin.

Si positif :            - soit il est homozygote (il fait la maladie)

-          Hétérozygote (peut transmettre sans être malade).

Il faut faire une enquête familiale.

 

Le traitement : ce sont les saignées.

 

·         la cirrhose biliaire primitive :

Maladie immunologique qui atteint souvent la femme qui entraîne un ictère, un prurit, syndrome de chaussettes et surtout présence dans le sang d’anticorps antimitochondries.

 

Le traitement : utilisation d’un sel biliaire (Ursolvan*, Delursan*), sur le prurit on peut utiliser le Questran* pour faire chuter.

 

·         la cirrhose auto immune :

Maladie immunitaire, fabrication d’AC contre ces propres cellules, asthénie, arthralgie, poussée ictère.

Biologiquement :            *augmentation des transaminases (cytolyse)

                                    *augmentation des gamma globulines à plus de 20g / L

                                    *présence AC, anti muscle lisse, anti noyaux, anti réticulum endoplasmique.

 

Le traitement : corticothérapie ou immunothérapie.

 

·         la maladie de Wilson :

Trouble du métabolisme du cuivre. Il y a des signes hépatiques, neurologiques et oculaires.

C’est l’augmentation de la protéine qui transporte le cuivre qui donne le diagnostic : la céruléoplasmine.

·         La cirrhose biliaire secondaire :

Sont secondaire à une sténose chronique des voies biliaires (souvent post chir).

·         Certaines bilharzioses (parasites).